Lors des journées provinciales, nous avons réfléchi au thème « L’acte de croire en temps d’épreuve ». Et beaucoup ont redit combien c’était la Parole de Dieu, lue, méditée, confrontée parfois, travaillée, qui était un des principaux appuis pour la foi. Isabelle Morel, théologienne spécialisée en pastorale catéchétique et responsable de la formation permanente de Besançon nous a redit pourtant que nous étions, nous
catholiques, encore trop peu familiers de la Bible et de la polyphonie de ses lectures. Oui, il nous est bon de lire la Bible ! A cette occasion, je voudrais partager à nouveau avec vous une découverte faite en écoutant mon frère dominicain Philippe Lefebvre – bibliste à écouter et lire absolument – que j’ai découvert une nouvelle perle.

Au second livre des Rois, après la mort du prophète Élisée, nous est fait le portrait d’un certain nombre de rois des royaumes de Judas et d’Israël qui se sont divisés. Arrive le chapitre 22, le lecteur qui a réussi à tenir jusque-là va faire connaissance avec le roi Josias. Contrairement à un certain nombre de ses prédécesseurs, le roi Josias (mis sur le trône dès ses huit ans) est un homme droit et un roi juste : « Il fit ce qui est agréable au Seigneur et imita en tout la conduite de son ancêtre David, sans en dévier ni à droite ni à gauche ». Après quelques années de règne, il entreprend de restaurer le temple. A cet effet, il envoie son secrétaire Shaphân au temple afin de rencontrer les grands prêtres et surtout les convaincre de lui remettre l’argent qu’ils ont pour payer les ouvriers. Lors de cette rencontre, le grand prêtre de l’époque, Hilqiyyahu, dit à Shaphân : « Au fait, j’ai trouvé le livre de la loi dans le temple du Seigneur. » Le livre de la loi – entendre : le Décalogue, la Parole même de Dieu – était perdu, et personne ne s’en était préoccupé depuis des chapitres, voire des années ! Il est donc possible de perdre le livre de la loi, et de le retrouver, comme par mégarde à l’occasion de travaux de restauration ? (Hormis une petite allusion en 2 Rois 14,6 la dernière fois que l’on parle de ce « livre » est en Josué 24,26!). Comment tournait le temple sans le livre de la loi ? Visiblement fort bien, mais n’était-il pas devenu comme une coquille vide? Le grand-prêtre donne le livre au serviteur qui va le porter au roi Josias et lui en faire lecture. Au passage, on ne peut pas dire que le grand prêtre attache une importance majeure à cette découverte.

Mais le roi, si : « En entendant les paroles contenues dans le livre de la Loi, le roi déchira ses vêtements. » Il convoque tout le monde : le grand prêtre, son secrétaire, le fils de son secrétaire, un ministre et leur demande instamment d’aller « consulter le Seigneur » pour comprendre de quoi il retourne. Car la Parole de Dieu ne se comprend pas seul, et nous le savons bien. C’est en écoutant la lecture des autres qu’elle devient vivante, et qu’elle « se lève ». Tout notre petit monde va alors consulter la prophétesse Hulda, une parfaite inconnue, et cette dernière confirme que Dieu est irrité d’avoir été ainsi oublié et abandonné. La structure de la phrase d’Hulda est complexe. Elle semble dire de la part du Seigneur : « Je vais faire venir 1) un malheur, 2) toutes les paroles du livre qu’a criées le roi de Juda » (2 Rois 22,16). Dieu lui-même fait venir sa parole, et c’est un malheur pour ceux qui l’ont oublié, mais pas pour Josias qui a été touché par Dieu. La suite du texte est
étonnante, car alors Josias ne semble plus s’occuper de la restauration du Temple, mais de la réforme religieuse du peuple. Il convoque tout le monde et se met à lire le contenu du livre de l’Alliance. Il est debout au milieu de son peuple, renouvelle l’alliance avec le Seigneur, et invite son peuple debout lui aussi à garder les commandements du Seigneur et « à faire se lever les paroles de cette alliance, celles écrites sur ce livre » (2 Rois 23, 3). Voilà un beau programme d’été : faire se lever la Parole inscrite dans le livre. Lui donner notre chair pour qu’elle vive.

Sœur Anne Lécu