CONTRA SPEM SPER

Fuyez au loin, oh mes pensées, lourdes nuées d’automne
Car voici revenu le printemps lumineux
Pourquoi faut-il donc que mes jeunes années
S’écoulent dans la peine et l’écho des sanglots ?

Non, à travers les larmes, je garde le sourire
Et je chante au milieu des malheurs,
Sans espoir, je veux espérer quand même,
Je veux vivre : fuyez, pensées qui m’accablez !

Sur notre terre si dure et si aride,
Je m’en irai, semant des fleurs brillantes,
Dans la neige glacée je planterai des fleurs
Et les arroserai de mes larmes amères.

Et l’écorce puissante des glaces
Fondra sous mes pleurs brûlants,
Pour moi alors des fleurs pourront éclore,
M’annonçant enfin un heureux printemps.

Sur la pente abrupte de la montagne,
Comme on porte la croix, je porterai ma pierre,
Et m’élevant avec la charge énorme
J’entonnerai quand même un chant de joie.

Dans la nuit infinie et sombre,
Mes paupières jamais ne s’abaisseront,
Et mes yeux guetteront l’étoile des rois mages
Qui domine les nuits de son brillant éclat.

Oui, à travers les larmes, je garde le sourire
Et je chante au milieu des malheurs,
Sans espoir, je vais espérer quand même,
Je vais vivre : adieu, pensées qui m’accablaient !

Lessia Oukraïnka (trad. Kaléna Houzar-Uhryn).

Ce bouleversant poème est de la main de l’immense poétesse ukrainienne Lessia Oukraïnka, morte en 1913. Il  raconte à lui seul l’esprit de ce peuple.

Alors en ce temps si douloureux pour tant de nos frères et soeurs, gardons au cœur ses paroles et supplions ave celles  du livre de Judith : « Le Seigneur est un Dieu briseur de guerres ; son nom est « Le Seigneur ». Il a établi son camp au milieu de son peuple pour m’arracher à la main de mes persécuteurs. » (Jdt 16, 2)

Sœur Véronique Margron