Cet article vient nous rappeler le contenu des conférences qui nous ont été données pendant les journées provinciales de mai et juin 2022.

Intervenant : Le Père Achille Mestre

Moine bénédictin, agrégé de droit public, canoniste, il est actuellement Secrétaire général adjoint de la Conférence des  religieux et religieuses de France (CORREF). Il est membre du Conseil pour les affaires économiques, sociales et juridiques (CAESJ) à la Conférence des Évêques de France.

Introduction

L’institution est au cœur de cette session. Le Doyen Maurice Hauriou définissait l’institution comme « une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui lui procure des organes ; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures (note 1).  » Ce qui est premier dans l’institution, c’est donc l’œuvre, pour nous la mission : « De toutes les nations, faites des disciples » (Mt 28,19). Assurer la mission suppose, en ce qui nous concerne, des hommes et des femmes qui acceptent de suivre le Christ au plus près et de recevoir des structures adéquates pour les aider à avancer. Je voudrais justement montrer ici que le droit canonique est un gage de bonne santé pour l’institution, pour la vie religieuse.

Pourtant, le droit en général et le droit canonique en particulier n’ont pas toujours bonne presse. En France le mouvement de 1968, dans l’Église la contestation de la Réforme ont revendiqué, peu ou prou, les bienfaits de l’anomie ou au moins d’une dérégulation. Comme si l’État ou l’Église pouvaient se passer de droit ! Je ne reprendrai pas ici ces grandes querelles même si elles plantent un décor toujours actuel. Une société sans droit ? Utopie selon un ancien adage du droit romain: Ubi societas ibi ius. Les hommes ne sauraient vivre ensemble sans établir des règles organisant leurs relations et sans être capables de les comprendre. C’est un impératif de justice élémentaire, ainsi que le proclamait Lacordaire depuis la chaire de Notre­ Dame en 1848 :

« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Aussi depuis les origines de l’Église, les conciles puis les papes ont posé des règles qui seront ordonnées dans le code de 1917 lequel sera largement renouvelé à la suite de Vatican II en 1983 (note 2). Quel est l’impact de ce droit pour la vie religieuse? Les réponses sont multiples, un peu complexes parfois. J’ai choisi de les décliner en six principaux points, regroupés autour de trois thématiques. Le bilan s’avère, nous le verrons, globalement positif pour la bonne santé de nos instituts (note 3), ainsi que j’ai pu le vérifier par dix ans de pratique à la Conférence des Religieux et Religieuses de France. J’ai conscience d’être partiel car, à la limite, c’est tout le droit de la vie religieuse qui mériterait d’être relu. Les limites de cette intervention m’ont conduit à faire des sondages, suffisamment nombreux cependant pour les croire révélateurs d’un état du droit canonique en notre matière.

I. Le droit canonique, soutien de la vie religieuse

I.A. Le droit canonique, vecteur de renouveau  pour la vie religieuse

Une loi qui libère : vaste programme pour l’État comme  pour l’Église! Mais pour celle-ci, les questions sont particulièrement délicates. Il ne s’agit pas de faire passer dans le droit un programme politique, économique ou social, préalablement avalisé par le corps électoral. Ce qui préexiste, ce qui est le fondement de tout droit canonique c’est l’Écriture, la Parole de Dieu dans le Nouveau Testament surtout. Mais pas uniquement puisque l’Église catholique n’adhère pas au Sola Scriptura de Martin Luther. Il y a toute la Tradition, laquelle  s’adapte aux temps et aux mœurs. Et le dernier aggiornamento    fut celui de Vatican II qui a posé des principes ecclésiologiques renouvelés. Le droit canonique servira alors à faire passer dans la vie ces nouvelles orientations et ce n’est pas pour rien que Jean XXIII, en 1959, avait lié la convocation du Concile et la réforme du droit de l’Église. Si l’on part du décret Perfectae caritatis, il est clair que le Concile a souhaité tout à la fois un retour « à l’inspiration originelle des institutions et leur correspondance aux nouvelles conditions d’existence »  (PC 2). En outre, le Concile attend, dans le droit de la vie religieuse, une transposition des principes de réforme qu’il a lui-même posés :

«Il faut donc réviser convenablement les constitutions, directoires, coutumiers …» (PC 3).

De façon plus générale, le Pape Jean-Paul II a parfaitement explicité cette articulation dans la Constitution Sacrae disciplinae leges qui introduit, en 1983, la nouvelle codification :

«On pourrait voir dans le Code un grand effort pour traduire en langage canonique cette doctrine même de l’ecclésiologie conciliaire.» A l’occasion, il parlera même du Code comme du «dernier document conciliaire» (9 avril 1983).

De fait, de nombreux canons peuvent être référés aux documents conciliaires, entre autres pour notre matière : le canon 574 qui rapporte le vécu des conseils évangéliques à la sainteté de l’Église par référence à LG 43; le can. 576 qui responsabilise l’autorité compétente pour valider et régler la vie religieuse (cf. LG 12) ; la référence au projet des fondateurs, inscrite au can. 578, est un des principes généraux posés par le Concile pour renouveler la vie religieuse (PC 2). Dans ces conditions, les textes conciliaires éclairent souvent la norme canonique et aident à son interprétation. Ainsi PC 19 recommande un discernement lors de la création de nouveaux instituts pour« éviter de voir surgir imprudemment des sociétés inutiles ou dépourvues de la vigueur indispensable », ce qui guidera les évêques appelés à ériger un institut de vie consacrée (can. 579). Ou encore, s’il s’agit de supprimer un institut (can. 580), on s’efforcera de l’agréger « si possible à un autre institut ou monastère plus florissant dont l’esprit et le but  e rapprochent du sien » (PC 21). Revenant sur des principes normatifs antérieurs, le Concile établit que même l’exemption « n’empêche pas les religieux d’être soumis, dans chaque diocèse, à la juridiction des évêques selon le droit» (CD 35, 24) et le can. 678 de préciser:

«En ce qui concerne le soin des âmes, l’exercice public du culte divin et les autres œuvres d’apostolat, les religieux sont soumis au pouvoir des évêques…»

On pourrait multiplier les occurrences de ces ponts entre le Concile et le Code de 1983. De là, la conception de l’école de Munich (Mërsdorf, Corecco) qui voit dans le droit canonique, qualifié de sacré, une branche de la théologie mais travaillant avec une méthode propre, la méthode juridique. De fait, nombre de canons sur la vie religieuse trouvent leur légitimité dans des principes qui leur sont antérieurs et supérieurs. Aussi la coloration théologique de certains canons est-elle très forte. Je prendrai l’ex. symptomatique du can. 573 § 1 qui définit la vie consacrée (Note 4) : il rassemble tous les éléments théologiques qui la caractérisent autour de la sequela Christi en la distinguant du baptême comme de l’ordination. Ou encore  ne grande partie du can. 618, qui délimite le pouvoir du supérieur comme devant être exercé dans un esprit de service en respectant la personne humain , est empruntée littéralement à PC 14 (Note 5)

Le Code a permis d’irriguer le droit canonique universel par l’ecclésiologie de Vatican II. D’autant que les Pères conciliaires ont pris la précaution de prolonger leur œuvre en demandant une réforme de leur droit propre par les instituts (Note 6) . Un formidable travail de rénovation sera ainsi lancé et de vastes chantiers ouverts sur plusieurs année,  avec différentes étapes dont un 1er temps ad experimentum avant l’approbation définitive des constitutions (Note 7) Ces nouvelles règles, les instituts se les sont démocratiquement données à eux-mêmes en Chapitres, sous la vigilance bien sûr et le contrôle de l’autorité supérieure, évêque ou Saint-Siège. De cette manière, dans les cadres que pose la loi universelle, les instituts s’autorégulent, s’autolimitent dans l’intérêt commun de l’Église comme des personnes. Aussi la pratique montre qu’on n’est jamais trop attentif à la mise au point du droit propre. On signalera ici deux écueils à éviter : celui de constitutions stéréotypées qui seraient, comme dans l’ancien droit du fait de la proposition d’actes-types, dégagées de toute inculturation et dépourvues de spécificité charismatique. Le copié/collé n’a jamais été une bonne méthode juridique !

Mais il est un autre écueil, plus subtil peut-être, à éviter : celui de constitutions trop longues (Note 8) diluées, des constitutions attrape-tout – du spirituel et du juridique, du théologique et du liturgique, de la prière et de l’action, de l’organisationnel et de l’eschatologie. Fort heureusement certaines révisions de quelques textes assez malencontreux sont en cours !

On n’insistera jamais assez sur la bonne connaissance que tous les religieux, notamment lors de la formation initiale, doivent recevoir de leur droit propre qui balise tout à la fois leurs droits et leurs obligations. Un accès libre, facile, complet doit être permis à tout un chacun: c’est une garantie de liberté et une protection contre d’éventuelles dérives. Quand les droit propres sont méconnus ou malmenés dans un institut, c’est toute la vie des religieux qui en est fragilisée. Au lieu de s’en rapporter au droit, on a pu constater que certains supérieurs avaient eu tendance à s’auto-légitimer, à s’autoréférencer soit inconsciemment, soit explicitement par une fausse spiritualité (Note 9). Loin de la théologie et du droit bien compris, on tombe dans l’idéologie et ses éventuelles perversions (Note 10).

I.B. Le droit canonique, facteur d’autonomie pour la vie religieuse

Les vertus d’une Église de droit ne sont pas minces. Mais, à  ce stade, je ne peux pas taire une importante querelle avec la Réforme, celle-ci niant jusqu’à la nécessité d’un droit canonique. Luther part de la théorie des deux Églises : d’un côté il y a l’Église invisible qui rassemble tous les baptisés dans la foi autour de leur Seigneur Christ, lequel la gouverne et n’a pas besoin de s’appuyer pour ce faire sur un droit; d’un autre côté, il y a l’Église visible qui n’est pas l’œuvre de Dieu mais des hommes et son bon ordre est assuré par le prince. En conséquence, la souveraineté de l’État est restaurée sur l’Église visible dont le prince est comme l’évêque de l’extérieur à l’instar du roi dans l’ancien Israël. Cette thèse sera reprise et systématisée au XIXe siècle, notamment par Söhm pour lequel « le caractère spirituel de l’Église exclut toute représentation juridique. » La visée principale étant de dénoncer un droit de l’Église catholique qualifié de « mondain » car se rapprochant trop de celui des États. Outre que cette thèse repose, théologiquement, sur une dualité ecclésiale discutable, elle a l’immense inconvénient de s’en remettre, pour l’organisation et le fonctionnement de l’Église, à l’État. En Allemagne les effets en seront catastrophiques lors du nazisme qui trouvera là un moyen commode de s’assujettir l’Église évangélique (Note 11).

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, la régulation de l’Église par l’État n’est pas sans danger, dans les États autoritaires certainement, mais aussi dans les pays démocratiques. Ainsi en France, la IIIe République a forgé un régime d’exception à l’encontre des congrégations justement. Le titre III de la loi de 1901, fort libérale pour tous types d’associations, soumet à autorisation préalable (Note 12) les seules congrégations : c’est le système des congrégations reconnues qui poursuit le contrôle régalien exercé par l’Ancien Régime sur la vie religieuse. Système contraignant qui, on le sait, a facilité l’expulsion des congréganistes, lesquelles ne recevaient jamais (ou presque) à l’époque le sésame sollicité. Il faudra attendre, après une tolérance de fait des congréganistes dans notre pays (Note 13), l’année 1942 pour que le délit de congrégation soit supprimé. Depuis lors cohabitent des congrégations qui se sont soumises à la loi de l’État lequel les contrôle d’assez près, même si la tutelle préfectorale s’est assouplie ces dernières années, et des instituts non reconnus légalement mais tolérés. Il faut reconnaître que, depuis les années 70, nombre d’instituts ont demandé leur reconnaissance légale, souvent pour des raisons pragmatiques, comme la possibilité de recevoir des biens en franchise de droits. Il n’en reste pas moins que ce système français établit une discrimination à l’encontre des congrégations religieuses (Note 14). D’autant que le Conseil d’État, examinant les projets de statuts civils qui lui sont soumis, impose aux congrégations une sorte de « constitution civile » au contenu très encadré, sur certains points, entre autres : l’impossibilité de se référer à des vœux perpétuels, l’obligation pour  tous les instituts (y compris de droit pontifical) de déclarer se soumettre formellement à la juridiction de l’évêque diocésain, l’impossibilité de prévoir que tous les biens acquis par le religieux du fait de son travail reviennent à la congrégation (Note 15).

Le droit canonique évite d’éventuelles emprises de la part de l’État en laissant les institutions ecclésiales s’autoréguler selon leur droit propre. En revanche, il est bien clair que ce droit, dans un État démocratique tout particulièrement, ne nous dispense pas de l’observation des normes nationales voire internationales, qu’il s’agisse des règles civiles, pénales, administratives, fiscales, sociales etc. La vie religieuse n’en est pas exempte et doit même faire preuve d’exemplarité citoyenne pour payer ses impôts par exemple ou pour assurer la protection sociale de ses membres. J’ajouterai que le droit canonique de la vie religieuse nous préserve des empiétements provenant éventuellement d’autres structures ecclésiales, par exemple des diocèses. Un seul exemple : personnes juridiques publiques, les instituts religieux peuvent détenir en propre des biens ecclésiastiques qui sont le support même de leur existence et de leurs missions, à l’instar des diocèses eux-mêmes – mais sans confusion des patrimoines. C’est dans cet esprit que peut être compris le can. 586 § 1 qui reconnaît à chaque institut « la juste autonomie de vie, en particulier de gouvernement, par laquelle il possède dans l’Église sa propre discipline… » Pareille autonomie est l’expression et la conséquence du charisme de l’institut (Note 16) qui a été donné soit à un fondateur (Note 17) soit à un groupe initial. Mais elle n’a pas, nous allons le voir, un caractère absolu.

II. Droit canonique et gouvernement des instituts

II.A. Le droit canonique, régulateur de la vie religieuse

D’abord, l’émergence d’un institut est soumise à la vigilance de l’autorité hiérarchique. Ce point est essentiel à une époque où les initiatives foisonnent au nom d’une libre expression charismatique qui se dit ouverte au souffle de l’Esprit. Car ce n’est pas rien pour des personnes que de s’engager, même dans une association, à mener la vie commune; aussi la vigilance épiscopale doit-elle s’exercer y compris sur de simples groupements de fait dont il ne faudra pas hésiter à demander la dispersion si nécessaire. Par la suite, si une association de vie commune a fait ses preuves, l’évêque diocésain pourra l’ériger en association publique in via (Note 18), laquelle agit alors « sous la haute direction de l’autorité ecclésiale» (can. 315). À ce stade encore, en cas de dérives, l’évêque ne devra pas hésiter à supprimer l’association (Note 19).

Le temps faisant son œuvre et la viabilité (Note 20) du groupe étant vérifiée, l’évêque diocésain pourra ériger l’association en institut de vie consacrée, non sans avoir consulté auparavant ad validitatem le Siège Apostolique (Note 21). Le nouvel institut, forcément de droit diocésain dans un premier temps, même si lui est reconnue une juste autonomie de vie, « demeure sous la sollicitude spéciale de l’évêque diocésain » (can. 594), ce qui peut conduire celui-ci à accorder des autorisations ou des dispenses et l’oblige à assurer ou à faire assurer la visite canonique régulière. C’est là un point clé, facteur de liberté et garantie pour le respect du droit. D’où le respect indispensable de certaines normes : des visites qui sont obligatoires (Note 22), périodiques (souvent quinquennales) et indépendantes (en respectant bien ce qui est prévu par le droit  propre). Reconnaissons-le: instituts diocésains et monastères autonomes ne sont pas toujours visités avec régularité ! Et puis il est deux point aveugles en nombre de cas : le champ économique échappe très largement ou totalement aux visiteurs alors qu’il est une condition de la mission (Note 23) ; la mise en œuvre des recommandations du rapport de visite n’est pas systématiquement suivie. Or l’utilité des visites n’est plus à démontrer :  l’audition de chaque profès permet de faire ressortir des points forts comme les failles du gouvernement et de repérer des points d’attention comme les nécessités de réforme. Mais on a vu bien  des excès perdurer car entretenus par des visites purement  formelles !

II.B. Le droit canonique de la vie religieuse, facteur de démocratie

On aborde ici la délicate question de l’équilibre dans le gouvernement d’un institut, équilibre largement conditionné par le respect du droit canonique. À cet endroit, le Code pose des prescriptions assez précises de nature à assurer un fonctionnement relativement démocratique des instituts, situation assez rare dans l’Église catholique pour être soulignée. En effet, le Concile Vatican II (PC 14) a mis en valeur les principes de représentation et de participation de tous les religieux dans le gouvernement de l’institut, tout en sauvegardant l’autorité personnelle des supérieurs. C’est ainsi que les chapitres sont appelés à exercer un gouvernement collégial. À propos du chapitre général (Note 24), le can. 631 § 1 prévoit qu’il détient l’autorité suprême dans l’institut  et qu’il « doit être composé  de telle sorte que représentant l’institut tout entier, il soit un vrai signe de son unité dans la charité.» Ainsi tous les profès seront appelés à y siéger ou, le plus souvent, à y envoyer des représentants qu’ils auront librement élus. Régulièrement réuni selon la périodicité prévue par le droit propre, son autorité ne doit pas être que formelle. D’où l’importance de sa préparation, de son animation, des libres débats, des votes. On le voit, le droit canonique ne peut pas tout, mais il est là pour favoriser l’éclosion d’un régime  de droit qui dynamise le charisme de l’institut et protège les personnes. Le modérateur suprême d’un institut sera également désigné par une élection canonique au sein du chapitre justement (can. 625 § 1) et pour un laps de temps déterminé (can. 624 § 1) : le supérieur reçoit comme un mandat démocratique de ses pairs. Le droit est ainsi protecteur d’un certain équilibre entre les pouvoirs dans la vie religieuse (Note 25)• Équilibre variable selon les instituts, très poussé par exemple dans la tradition des monastères puisque généralement le Conseil du supérieur y est majoritairement élu par le chapitre. Et le rôle du Conseil, on le sait, n’est pas que consultatif: dans les cas importants son consentement est requis pour la validité de l’acte (can. 627 § 2) (Note 26).On évite ainsi que les décisions les plus importantes – pour l’institut (Note 27) comme pour les religieux (Note 28) – soient prises par une seule personne.

Cet équilibre des pouvoirs, tout à fait caractéristique de la vie religieuse, est généralement salué par la doctrine et certains historiens ont même pu voir, dans les traditions monastiques en particulier, les prémices du régime parlementaire. La comparaison ne doit cependant pas être poussée trop loin car le régime parlementaire fonctionne par un contrôle mutuel et permanent permis par la séparation des pouvoirs pour que «le pouvoir puisse arrêter le pouvoir», selon la célèbre formule de Montesquieu. Dans la vie religieuse, il en va différemment: certes un chapitre peut ne pas réélire un supérieur, mais en cours de mandat il ne peut le révoquer (Note 29) ; ou encore un supérieur ne  saurait renvoyer un chapitre qu’il jugerait indigne ou défaillant (Note 30). N’y aurait-il pas cependant des possibilités de sanctionner les déséquilibres qui surviendraient et pourraient affecter la vie de l’institut ? Si, mais grâce à des autorités extérieures. En pratique l’évêque diocésain ou le Saint Siège. Je tiens à souligner ici la régulation incontournable assurée par la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique : des rapports réguliers lui sont envoyés sur l’état de l’institut, son développement, son patrimoine, ses difficultés aussi. Bien informée, la congrégation est à même d’apprécier les demandes d’autorisation (par ex. pour l’immobilier) ou de dispense (par ex. pour les vœux, pour les mandats). Ou bien encore ses interventions, notamment dans les processus de fusion ou d’union, peuvent redonner espérance à des petits instituts vieillissants. En outre, saisie de dysfonctionnements, elle pourra  elle-même intervenir dans la vie de l’institut : déclencher une visite apostolique, suspendre le gouvernement actuel et nommer un commissaire pontifical ou des assistants religieux (Note 31), demander la révision des constitutions etc. Autant de garanties essentielles  à la sauvegarde du charisme et à la protection des personnes (Note 32).

III. Droit canonique et droits individuels dans la vie religieuse

III.A. Le droit canonique et la protection des religieux et religieuses

Les dérives de certaines communautés récentes, parfois plus anciennes, ramènent aussi au respect des exigences du droit canonique universel en tant qu’il régit le statut des religieux et religieuses. Ainsi l’ouverture d’un noviciat n’est pas un droit acquis pour tout institut qui chercherait simplement à survivre de la sorte. Le noviciat ne doit pas être la porte d’entrée, largement ouverte sur l’étranger notamment, pour faire venir postulants et novices de pays où l’on n’est pas installé. Les situations humaines doivent être pesées et le formateur doit être un maître des novices digne de ce nom en capacité d’exercer ses fonctions. Et puis il ne faut pas brûler la qualité ni les étapes de la formation. Aussi la durée canonique du noviciat doit être respectée : 2 ans en principe, 2 ans ½ au maximum (can. 648 § 3 et 653 § 2). Cette butée ne doit pas être tournée par le recours à d’interminables postulats dont rien n’est dit dans le droit universel (Note 33). La profession temporaire est également limitée dans le temps: de 3 à 9 ans maximum (can. 655). Ce formalisme est destiné à respecter les personnes qui s’engagent dans un institut: il ne faut pas les ‘mener en bateau’ pour, finalement au bout de 15 ou 18 ans de présence dans l’institut comme on a pu le voir, les pousser gentiment vers la sortie. Le discernement doit s’effectuer à l’intérieur de bornes plus raisonnables afin de permettre ensuite une bonne réinsertion, professionnelle et sociale, à celui qui partirait. La qualité de la formation initiale doit également être surveillée et les instituts y sont généralement très attentifs : une formation spirituelle et théologique certes, mais aussi humaine et psychologique, laquelle permettra en outre de vérifier la maturité des candidats, y compris sur les plans affectif et sexuel (Note 34).

Une bonne formation humaine et spirituelle est en effet  source de liberté intérieure; elle permet de faire grandir.  Patiemment construite, cette liberté est inviolable: on la qualifie  de for interne qui consiste à juger un acte par rapport à sa conscience. Le religieux n’a pas à le dévoiler à son supérieur ni en direction de conscience ni en confession. Mais d’une part le can. 630 § 2 déclare que doit rester sauve la discipline de l’institut  (par ex. donc les traditions bénédictine ou jésuite). D’autre part,  le § 5 du même canon ajoute que les religieux « iront avec confiance s’ouvrir librement et spontanément à leurs supérieurs. » Par ces brèches, certains supérieurs ont pu s’engouffrer exigeant l’ouverture de conscience. « Je me suis rendu compte que, dans certains groupes, les supérieurs  mélangent les deux choses et s’appuient sur le for interne pour prendre des décisions externes et vice-versa… C’est un péché contre la dignité de la personne qui fait confiance au prêtre»  (Pape François, discours à la Signature Apostolique du 29 mars  2019). En réalité le droit universel devrait mieux protéger le droit de chacun, en particulier dans la vie religieuse, à préserver son intimité dont le respect est prévu au can. 220 (Note 35).

Une autre liberté est à considérer : celle de partir. Bien sûr la liberté de quitter doit être totale pour le novice (can. 653 § 1) et aucune pression psychologique ni spirituelle ne saurait être tolérée. Parallèlement et à tout moment, l’autorité compétente de l’institut peut le renvoyer. À juste titre, le Code désire responsabiliser davantage le profès qui envisage un départ : il lui est demandé de présenter au modérateur suprême de très graves raisons (can. 691 § 1) afin que sa décision soit le fruit d’un discernement bien motivé, mais in fine on ne saurait le retenir. Obtenir la dispense de ses vœux, aujourd’hui surtout, est perçu comme un droit personnel que le supérieur ne saurait du reste bloquer, même si le législateur s’efforce de considérer l’indult comme un remède extraordinaire et exceptionnel. Mais en définitive c’est bien le droit de la personne  qui  est  ainsi sauvegardé d’autant que le Code (can. 692) lui laisse jusqu’au dernier moment le droit de revenir sur son projet en  refusant l’indult qui lui est présenté.

Le respect du droit personnel de chaque religieux ou religieuse : voilà ce qui anime encore le législateur lorsqu’il traite des sanctions. Certaines sont des mesures conservatoires, telle la suspense prononcée à l’encontre des clercs auxquels on va interdire d’exercer telle ou telle prérogative du pouvoir d’ordre (la confession, la célébration publique des sacrements, la prédication… ). Ainsi, en matière d’abus sexuels commis par un religieux sur des mineurs, le supérieur majeur est invité à lancer une enquête préliminaire pour entendre la ou les victimes mais aussi l’accusé présumé mis en position de se défendre. Le supérieur pourra alors se faire une opinion sur la vraisemblance des faits le conduisant à prendre d’éventuelles mesures conservatoires (Note 36).

D’autres sanctions sont définitives : elles doivent respecter les règles de la procédure judiciaire ou administrative prévues par le Code et qui permettent toujours à l’intéressé de se défendre. Prenons le cas révélateur du renvoi : dans le droit commun (can. 697), le supérieur majeur est invité à réunir ou compléter les preuves puis il doit adresser deux monitions successives espacées de 15 jours au moins; au religieux sera ainsi« signifiée clairement la cause du renvoi et lui est donnée pleine faculté de présenter sa défense.» À tout moment de la procédure, le religieux a le droit de communiquer des éléments de défense (can. 698) jusque devant le Modérateur suprême lorsque celui-ci est saisi in fine du dossier. On sait que la décision relève du Conseil réuni en la forme collégiale, puis qu’elle doit être confirmée – selon la nature de l’institut – par l’évêque diocésain ou le Saint Siège qui vérifiera notamment le respect scrupuleux de la procédure, toujours pour garantir les droits de la personne. Laquelle peut toujours intenter ensuite un recours contentieux qui est suspensif. Une dernière remarque : obtenir la dispense de ses vœux est une grâce en  réponse à la demande du religieux; être renvoyé, une sanction infligée après de graves fautes. Et la première procédure ne doit pas être utilisée à la place de la seconde lorsque celle-ci s’impose (Note 37).

III.B. Les insuffisances de la justice ecclésiastique

Ici nous ouvrons une page plus délicate du droit de l’Église; elle n’est pas spécifique de la vie religieuse mais certaines déficiences rejaillissent en notre matière. Il y aurait en effet beaucoup à dire et il reste à faire pour améliorer la justice dans l’Église, alors que l’État de droit en fait un troisième pouvoir garant des droits et libertés. Certes l’Église dispose d’une justice, fort ancienne, bien hiérarchisée avec à sa tête la Rote romaine, à la compétence Reconnue (Note 38). De plus l’un des Principes directeurs pour la réforme du droit canonique, adopté par le Synode de 1967, était « la protection du droit des personnes.» Les résultats sont quelque peu décevants.

D’abord la justice administrative est lacunaire. Certes des recours contentieux sont désormais possibles contre les actes administratifs individuels, pris par les dicastères de la Curie romaine ou approuvés par eux, devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique (2e Section) (Note 39). Mais on est loin de la généralisation d’un recours pour excès de pouvoir, qui existe en droit français par exemple, contre tout acte individuel ou réglementaire émanant de n’importe quelle autorité administrative. Le délai de recours contentieux est trop bref: un mois – qu’il conviendrait de doubler (Note 40)• Et puis les décisions de la Signature ne sont pas publiées, ce qui nuit à la notoriété de cette jurisprudence sur laquelle les plaignants ne peuvent donc pas s’appuyer. Même si le Pape Benoît XVI a qualifié cette justice administrative comme de première importance (discours du 4 février 2011), elle reste encore largement à développer.

Un regard aiguisé pourrait présenter une critique plus large de tout le système de contrôle juridictionnel mis en place par l’Église. Ainsi, en matière pénale, il n’y a pas de détermination légale précise des délits contrairement à l’antique adage « Nullum crimen sine lege ». Le can. 1321 est fort général puisqu’il incrimine toute violation délibérée de la loi ou d’un précepte ; pareille imprécision n’est guère source de sécurité juridique. Ici ou là des peines sont cependant prévues pour des délits plus particuliers (Note 43). La procédure est loin d’être satisfaisante en toutes circonstances et de répondre aux standards contemporains d’une société de droit : l’indépendance de la justice ne semble pas toujours, en pratique, garantie (Note 42) ; hors du contentieux matrimonial, la compétence des juges peut laisser à désirer; la procédure est parfois bien longue, complexe et faisant la part trop belle au secret; la communication du dossier n’est pas assurée dans la complétude qui conviendrait ; certaines sentences semblent insuffisamment motivées et d’autres rédigées en latin, dans une langue morte étrangère aux parties; leur publication est loin d’être générale et accessible (Note 43). De telles insuffisances ont été particulièrement mises en relief dans les procédures concernant les abus sexuels sur mineurs ou personnes vulnérables (Note 44). Le Motu Proprio Vos estis lux mundi (du 7 mai 2019) tente d’y remédier en prévoyant la dénonciation systématique de tels délits à l’autorité hiérarchique et l’obligation pour celle-ci d’y donner suite. En outre, en ces matières, le rescrit pontifical du 6 décembre 2019 lève le secret pontifical. Mais un travail de fond et bien plus large reste à entreprendre (Note 45). Espérons que la réforme de la Curie romaine aidera à de profonds et nécessaires changements en ces domaines aussi.

Conclusion

Globalement, le droit canonique me semble avoir bien joué son rôle de régulateur de la vie religieuse et communautaire. Il modélise une Église de droit, en avance même sur le régime canonique du diocèse qui, comme cela a été dit hier, est de type monarchique. La vie religieuse, par un jeu de contre-pouvoirs, équilibre l’autorité et, par un jeu de sanctions, est apte à supprimer les irrégularités. Mais alors comment, à notre époque, se fait-il qu’un certain nombre de communautés, nouvelles souvent, plus anciennes parfois, aient pu dévier jusqu’à présenter des symptômes sectaires ?

D’une part, je repérerai de mauvaises utilisations du droit canonique, par exemple :

  • une instrumentalisation de ce droit lorsque les réunions de Chapitres ou de Conseils sont purement formelles ou lorsque le supérieur donne une portée abusive au vœu d’obéissance;
  • un détournement du droit canonique lorsque les mandats de gouvernement s’enchaînent à l’infini ou quand les visites canoniques sont de simples formalités vite expédiées;
  • des violations directes de ce droit lorsqu’il n’y a tout bonnement pas de visites canoniques ou que le supérieur viole le for interne, donc la conscience, du religieux/ de la religieuse ;
  • la méconnaissance de ce droit lorsque les sanctions opportunes ne sont pas prononcées, par afin de couvrir l’institution.

Cependant et d’autre part, j’ajouterai que les facteurs de déviance sont largement métajuridiques. On peut citer :

  • la toute-puissance d’un fondateur, pourtant inapte à toute vie religieuse,
  • -la relâche dans le discernement des vocations pour faire nombre,
  • des formations insuffisantes,
  • le culte de l’argent, du pouvoir etc.

En pareilles situations, le droit lui-même en vient à être perverti et les instruments de liberté eux-mêmes se révèlent d’inutiles outils. Le tout recouvert par une chape de silence. Heureusement ces cas – qui ont pu défrayer la chronique – ont souvent été redressés grâce aux interventions, mais pas toujours immédiates, de l’autorité supérieure. En contre-point la majorité des situations sont saines, voire exemplaires : la régulation y est pour beaucoup, aidant à conduire les religieux et religieuses au Christ par les chemins de la vie fraternelle en communauté. Car le droit peut être source de sanctification pour tous et pour chacun (Note 46).

Médiasèvres 2020 : « L’institution, obstacle et chemin vers Dieu. »

Note 1 : Hauriou fut un éminent juriste et philosophe de la Faculté de Droit de Toulouse (1856-1929). Cette définition remonte à 1925 (in Cahiers de la Nouvelle journée n° 4). Hauriou précisera encore par la suite : « La forme de l’institution, qui est son élément durable, consiste en un système d’équilibre de pouvoirs et de consentements construits autour d’une idée. » Ce qui dessine un contour démocratique à l’institution, comme on en retrouvera des marques dans la vie religieuse (voir infra 2 B). Georges Renard op, professeur à Nancy, prolongera cette approche. Il référera la notion d’institution au thomisme, voyant en elle un mode d’expression organisé du bien commun (L’in.rtit11tion,fandement d’une rénovation de l’ordre social, Flammarion 1933). Ce qui pose la haute responsabilité de toute organisation civile ou religieuse, ses limites aussi.

Note 2 : Pour l’Église latine. Les Églises orientales recevront un code propre en 1990.

Note 3 : ans cette communication, on se référera aux instituts au sens large ; instituts religieux et sociétés de vie apostolique et, en le signalant au passage, aux associations de fidèles menant la vie commune. Et, pour ne pas alourdir, on n’écrira pas à chaque fois, religieux et religieuses, lesquelles sont pourtant tout autant concernées par le propos.

Note 4 : «  La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est la forme de vie stable par laquelle des fidèles, suivant le Christ de plus près sous l’action de l’Esprit-Saint, se donnent totalement à Dieu aimé par-dessus tout, pour que, dédiés à un titre nouveau et particulier pour l’honneur de Dieu, pour la construction de l’Église et le salut du monde, ils parviennent à la perfection de la charité dans le service du Royaume de Dieu et, devenus signe lumineux dans l’Église, ils annoncent déjà la gloire céleste. »

Note 5 : Le  Concile déclarait: « … Quant aux supérieurs… ils exerceront l’autorité dans un esprit de service pour leurs frères de manière à exprimer l’amour que le Seigneur a pour eux. Qu’ils gouvernent comme des enfants de Dieu ceux qui leur sont soumis, avec le respect dû à la personne humaine et stimulant leur soumission volontaire. Ils leur laisseront, notamment quant au sacrement de pénitence et à la direction spirituelle, une juste liberté. » Ce dernier   point sera repris par le can. 630 § 1 qui apporte cependant un bémol : « restant sauve la discipline de l’institut », ce qui permet de sauvegarder certains aménagements en milieu monastique notamment.

Note 6 : f. PC 3 : l’organisation de la vie, de la prière, de l’activité des religieux doit être adaptée aux conditions physiques et psychiques actuelles, aux besoins de l’apostolat, aux exigences culturelles et aux circonstances économiques. « Il faut donc réviser convenablement les constitutions, les directoires, les coutumiers, les livres de prières. .. supprimant ce qui est désuet et se conformant aux documents du Concile. »

Note 7 : On  se permettra ici de rappeler, pour la France, l’aide considérable et si précieuse du maître en expertise canonique que fut le P. Michel Dortel-Claudot sj

Note 8 : Jusqu’à plusieurs centaines de pages …

Note 9 : Méfiance, méfiance si le supérieur dit, par exemple, que c’est le Christ qui parle par sa bouche. Et l’on a vu parfois pire. .. Sur ce point, le droit canonique peut brouiller les repères de certains supérieurs lorsqu’ils lisent au can. 601 « qu’ils tiennent la place de Dieu » car ils en viennent à oublier la suite du texte qui précise
« lorsqu’ils commandent suivant leurs propres constitutions.» Malgré cette importante réserve, l’expression du can. 601 semble un peu trop forte et mériterait d’être révisée.

Note 10 : Sur cette question, on consultera avec profit une publication de la Conférence monastique de France éditée par la CORREF en 2018 sur Vie religieuse et liberté.

Note 11 : Cependant de courageux théologiens protestants se lèveront contre cette emprise, comme Barth ou Bonhoeffer, gui établiront les bases d’une Église confessante – le droit étant considéré comme un moyen de confesser sa foi.

Note 12 : Parlementaire à l’époque. Aujourd’hui du gouvernement sous forme de décret en Conseil d’État.

Note 13 : Tout particulièrement au lendemain du premier conflit mondial.

Note 14 : Et certains de penser qu’un tel régime serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, particulièrement à ses art. 9 sur la liberté religieuse et 11 sur la liberté d’association: Vincent Cador et Grégor Puppinck, De la conventionnalité du régime français des congrégations, Revue du Droit public janvier 2018 n° 1 p. 59.

Note 15 : cause de l’insaisissabilité partielle des salaires, pensions ou retraites en droit français

Note 16 : J. Beyer, Le droit de la vie consacrée, Instituts et sociétés, Tardy 1988, p. 315.

Note 17 : Le can. 578 se réfère explicitement à « la pensée des fondateurs » et à leur projet comme constitutifs, avec le but et le caractère de l’institut, de son patrimoine. Cette référence ne personnalise-t-elle pas trop le charisme ? Certes, dans l’histoire de l’Église, de « saints fondateurs » (LG 46) ont souvent engendré des Ordres nouveaux. Mais, à l’époque contemporaine, il n’est pas rare de constater que des instituts religieux ou des associations de fidèles ont été portés par des personnalités déviantes. Aussi désormais, certains préfèrent parler de charisme de fondation.

Note 18 : Association en voie de devenir institut de vie consacrée.

Note 19 : C’est ce que fit, à la suite de plusieurs scandales, le cardinal Barbarin en 2005 à l’encontre des sœurs mariales d’Israël et de Saint Jean, association privée de fidèles dans la mouvance du P. Marie-Dominique Philippe. Ou encore, en 2015, l’évêque de Bayeux-Lisieux a supprimé l’association privée du Pain de Vie.

Note 20 : astorale, humaine, financière…

Note 21 : onsultation absolument obligatoire donc et ce depuis 2016 (rescrit au can. 579 approuvé par le Secrétaire d’État). La Congrégation pour les Instituts de vie consacrée se penchera alors avec attention sur le contenu des constitutions et vérifiera leur pertinence, notamment par rapport aux exigences du Code.

Note 22 : Ce point mérite d’être souvent rappelé aux responsables des instituts; et aux évêques pour lesquels c’est « un droit et un devoir» selon le can. 628 §2. Aussi le Comité canonique de la CORREF, à la demande des évêques d’ailleurs, a rédigé deux fiches sur la visite des instituts de droit diocésain et sur celle des monastères de moniales.

Note 23 : Aussi apprécie-t-on les pratiques de certains instituts qui font précéder la visite canonique d’une visite économique.

Note 24 : Nous ne visons pas ici le chapitre général des congrégations monastiques, lequel obéit à des règles de droit propre très spécifiques.Note 25 : Alors que dans le diocèse, tous les pouvoirs sont ecclésiologique ment, et donc canoniquement, confondus entre les mains de l’évêque.

Note 25 : Note supprimée

Note 26 : Un point de procédure, parfois méconnu mais important, est révélateur de l’équilibre voulu entre les pouvoirs au sein de la vie religieuse. Quand le supérieur a besoin du consentement préalable de son Conseil, pour poser un acte, il n’a pas à voter avec les membres du Conseil, même pour dirimer la parité des voix (réponse du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes de loi du 1er août 1985). Le supérieur ne se confond donc pas avec le Conseil : l’un et l’autre sont comme en vis-à-vis. D’un côté et par avance, le conseil présidé par le supérieur délibère, ensuite le supérieur prend la décision finale. Il n’en sera autrement que s’il y a une dérogation du droit universel (pour le renvoi) ou du droit propre.

Note 27 : Notamment en matière financière : aliénations immobilières_·; · emprunts, acceptation de donations ou de legs. Pour cela, il convient de se référer au droit propre de chaque institut.

Note 28 : our la profession temporaire (can. 656), le passage à un autre institut (can. 684), la sortie (can. 686) ou le renvoi (can. 694 s. et 699 § 1).

Note 29 : lors qu’un Parlement peut mettre en jeu la responsabilité d’un gouvernement et  le renverser.

Note 30 : Alors que, dans un régime parlementaire, l’exécutif peut dissoudre le législatif (ou du moins la Chambre basse).

Note 31 : Dont les pouvoirs sont précisément définis par leur lettre de mission.

Note 32 : En outre, la Congrégation, par des colloques et des documents généraux, apporte impulsion et souffle, cadrage aussi à la vie consacrée. On citera quatre textes récents : en 2008, l’instruction sur Le régime de l’autorité et l’obéissance, en 2013 le document sur L’identité et la mission du frère religieux, en 2017 des Orientations qui font déjà date A vin nouveau, outres neuves, avec de riches développements sur la formation, la place de la femme, la rencontre entre les cultures et les générations, en 2018 enfin L ‘économie au service du charisme et de la mission qui contient de très utiles orientations et directives pour une bonne gestion des instituts et de leurs œuvres.

Note 33 : Sauf pour les moniales. Cf. l’instruction Cor orans de 2018 qui introduit même un temps d’aspirandat préalable et obligatoire.

Note 34 : Sur ce point, le can. 652 § 2 serait sans doute à réécrire : il insiste beaucoup sur la formation spirituelle (à la prière et à la lectio, au culte, au charisme de l’institut) mais est trop laconique sur l’invitation à « cultiver les vertus humaines… » à notre époque d’interminable adolescence et des familles fracturées.

Note 35 : Il y a une littérature canonique abondante et récente sur ces délicates questions. On se référera particulièrement aux actes du colloque de Toulouse sur Autorité et gouvernement dans la vie consacrée, Presses univ. de l’Institut catholique de Toulouse 2016. On y lira notamment avec profit la communication du P. Bruno Goncalves sur For interne et autorité.

Note 36 : Nous sommes ici sur un chemin de crête. Car d’un côté il s’agit de respecter les droits de la défense, mais d’autre part, le processus ne doit pas éventer les effets d’un signalement au Procureur de la République. Les Normes du Saint Siège de 2010 sont silencieuses sur ce point de procédure qui n’est pourtant pas qu’un détail. Cependant, la pratique signalée ici est recommandée par les instances canoniques respectives de la CEF et de la CORREF.

Note 37 Pareille substitution a été dénoncée en matière de sanction des abus sexuels par le cardinal Ratzinger dans une lettre du 19 février 1988 au cardinal Castillo Lara, Président de la Commission pontificale pour l’interprétation des lois : il signale qu’un clerc coupable ne devrait pas obtenir une dispense de célibat, qui est une grâce, mais bien être puni, jusqu’au renvoi possible de l’état clérical, à l’issue d’un processus pénal lui ouvrant bien sûr la possibilité de se défendre.

Note 38 : Surtout, il est vrai, en matière matrimoniale puisque l’immense majorité des procédures concerne les causes de nullité de mariage.

Note 39 : Const. apost. P.egimini Ecclesiae universae, 15 août 1967, n. 106. Voir aussi les n° 121 suiv. de la Const. Apost. Pastor Bonus du 25 juin 1988.

Note 40 : En France, le délai pour introduire un recours en excès de pouvoir est justement de deux mois à compter de la publication ou de la notification de l’acte.

Note 41 : Par exemple, les can. 1364 et s. visent des délits particuliers contre la religion et l’unité de l’Église, tels l’hérésie, l’administration sans droit d’un sacrement, la fausse accusation.

Note 42 : La justice de l’Officialité, qui e. t celle de l’évêque diocésain, nécessiterait plus souvent des dépaysements. Cela a été explicitement demandé en matière d’abus sexuels commis par des clercs.

Note 43 : Ce qui accentue une culture dommageable du secret. Dans un souci de préserver l’institution, dénonceront certains.

Note 44 : En ce sens on peut lire les recommandations faites en 2017 par la Commission royale d’Australie relative aux abus sexuels sur mineurs : à l’adresse de l’Église catholique, sont pointées de nombreuses pistes de réforme, très souvent de procédure (voir les recommandations 16.8 à 16.26; sur Internet, le document de langue anglaise a été intégralement mis en ligne).

Note 45 : On notera à cet endroit qu’en France, il existe une intéressante instance de médiation, le Service Accueil-Médiation pour la vie religieuse et communautaire (SA!\.1) : composé de représentants des diocèses et des congrégations, il est un instrument apte à déminer bien des conflits, à trouver des chemins de réconciliation et de pacification, à ouvrir des voies de justice dans les domaines les plus variés entre des religieux (ou membres d’associations à vie commune) et leurs responsables. Son champ d’action est très large, ouvert jusqu’à des aspects financiers ou de protection sociale.

Note 46 Voir L.-M. Le Bot, Le respect du droit comme prévention des dérives et des abus de pouvoir, in Vie religieuse et liberté, op.cit. p. 27 -49.

Ce texte était le texte de préparation envoyé par la Père Achille Mestre.