« Moi, je suis le bon pasteur » : il n’est pas rare d’entendre Jésus dire « Moi, je », non pas pour se mettre en avant ou se faire valoir. Non. L’enjeu ici pour Jésus est de se distinguer des « bergers mercenaires », de « ceux qui entrent dans l’enclos sans passer par la porte », et qui « viennent pour voler et faire périr ». Suivre un « berger » est donc pour Jésus une question de vie ou de mort. Et il nous met en garde : dans le chapitre précédent où il guérit l’aveugle de naissance, il rappelle « qu’il est venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir » (Jn 9, 39), reconnaître précisément le vrai berger.

Comment ? En écoutant sa parole, en le regardant agir : il est celui par lequel la vie entre dans « l’enclos » – lieu fermé de nos aveuglements, lieu saturé de certitudes, d’images idéalisées de soi, des autres, de croyances figées sur Dieu, de mauvais secrets. Expérience de cet enclos que fera Job et que viendront alimenter ses « amis théologiens ».

Or, un berger « fait paître ses brebis sur des près d’herbe fraîche, Il les fait reposer », Ps. 22. Nulle menace, nulle crainte, nulle manipulation, nul épuisement : « Juste chemin » qu’indique l’ami-berger qui, soucieux du poids de l’existence, ouvre, soutient, allège.

Un chemin si nous le voulons : apprendre à reconnaître cette voix, unique parmi mille autres, en nous mettant à l’écoute de sa parole vraie, celle de la vérité jamais déliée de l’attention, de la proximité, de la compassion. Une vérité agissante.. Alors pourrons-nous identifier tous ces mercenaires, ces imposteurs – jusque dans l’Église parfois – qui par leurs fausses paroles profitent de nos incrédulités, de notre malheur et nous livrent à des loups, y compris en prétendant venir à notre secours. Le bon pasteur mène au grand air et à la liberté des enfants de Dieu, eux à la dépendance, à la perte du désir, de la confiance intime.

Apprendre à reconnaître cette voix qui veut que nous soyons des vivants, maintenant. Se tisse alors une conversation vraie, « je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père. Jésus, relié au Père, fondé en un autre que lui-même, assure, garantit que l’enclos reste ouvert et la brebis distingue ce qui ouvre de ce qui ferme, ce qui libère de ce qui aliène. Ce souffle qui vivifie (« psuchè » dans le texte) que le berger-ami donne est une vie qui circule, « je donne ma vie pour la recevoir de nouveau », seul gage pour celui qui la reçoit de n’être ni sous emprise, ni reclus, ni apeuré.

« J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi il faut que je les conduise ». Jésus va voir ailleurs pour offrir à chacun son amour, sa sûreté. Il s’agit de faire connaître et partager son enclos, cet « espace à l’air libre ceint d’une protection, cette maison des champs. » (« aulès » dans le texte)

Voilà la bonne nouvelle : l’annonce que la voix du Christ ressuscité vient visiter nos enclos pour en faire des maisons des champs. Il connaît nos fermetures, nos pas empêchés, notre désir inextinguible de lumière. Il sait lire en nos cœurs, en nos ombres avec une infinie bonté. Rien ne l’effraie, veilleur inquiet du bonheur des siens.

Il nous précède. Sortons ! Allons à la rencontre de cette bonté sûre. Il nous apprendra, chemin faisant, à la reconnaître, à la désirer, à la transmettre à notre tour.

Sr Véronique Margron

Méditation biblique publiée le 21/04/2021 sur le site de La Vie : retrouvez-la ici