Depuis les épisodes du don de la manne au désert, en passant par les prophètes de l’Ancien Testament  jusqu’à Jésus, Dieu trouve toujours des manières nouvelles de procurer aux hommes le pain qui nourrit le corps et celui qui nourrit l’âme. Ainsi la première lecture nous rappelle  que, grâce au don de vingt pains d’orge et de grain frais, un  jeune homme vint vers le prophète Élisée, alors que la famine sévissait en Israël  et que le prophète put ainsi nourrir une centaine de personnes: en quelque sorte un prélude à l’Évangile d’aujourd’hui.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que, durant cinq dimanches d’été, la liturgie nous invite à interrompre la lecture continue de l’évangile de Saint Marc pour entendre le discours sur le pain de vie qui commence par le fameux récit de la multiplication des 5 pains et des deux poissons racontée par Saint Jean. Quelle merveille que cet incroyable repas sur les hauteurs du lac de Tibériade !!! Jésus lève les yeux, voit cette  grande foule  plus de 5000 personnes qui vient à lui, elle représente tous les peuples de la terre venus des quatre coins du monde.

Son regard attentif et accueillant traduit sa tendresse compatissante. Jean commence son récit en précisant que Jésus  » lève les yeux « pour voir les personnes qui s’avancent vers lui. Il ne les regarde pas de haut en bas mais de bas en haut, comme un serviteur ou plutôt comme quelqu’un qui veille sur les besoins d’un autre qu’il aime. Un regard de bas en haut ça se sent, ça se reçoit comme un geste qui nous met debout qui révèle notre dignité. Il est très conscient de ce qu’il va faire, toutefois le miracle n’est concrètement possible que parce qu’un jeune garçon, appelé Philippe, a accepté de donner ses provisions avec la générosité qui caractérise souvent ceux qui ont peu. Pour multiplier le pain, Jésus n’a t-il pas commencé par ouvrir les cœurs ? À partir de là, chacun a pu manger à satiété. Il y en eut même  trop: Dieu donne au-delà de ce qui est demandé et nécessaire !

Nous mêmes avons fait plusieurs fois cette expérience dans nos pique-niques ou nos réunions conviviales, quand la nourriture est mise en commun, généralement personne n’en manque, et souvent il en reste….Cependant Jésus ne nous demande pas de garder les yeux fixés sur les corbeilles débordantes de pain et de poisson. Il nous invite principalement à prendre conscience de la faim de la foule, faim non seulement physique mais sans doute également spirituelle, ils ont faim de sens et d’espérance puisqu’ils le suivent. Dans la version du même épisode selon saint Matthieu, Jésus dit à ses disciples : » donnez-leur vous-même à manger « … Est-ce à dire que, dans ce monde dans lequel nous vivons, le Seigneur nous demande à nous aussi de nourrir les foules en quête d’espérance ? Car nous avons toujours peur de manquer: peur de manquer de nourriture, à juste titre pour des millions d’hommes qui souffrent encore aujourd’hui de la faim, peur pour d’autres de manquer d’affection, d’argent d’avenir, de reconnaissance etc… Oui, il nous invite à donner nous-mêmes à manger aux autres : le peu que nous faisons peut avoir un effet incroyable. Ce sont souvent de petites gens qui font de petites choses, mais une action, aussi modeste soit-elle, peut changer le monde par l’effet multiplicateur, comme la multiplication des pains. Jésus nous invite à nous faire nous-mêmes nourriture pour les autres et pour cela il nous faut creuser notre propre faim spirituelle car, plus nous serons des affamés de Dieu, plus nous serons nourriture pour le monde.

La fin de cette histoire va cependant mettre en évidence que cette foule toute avide de miracles est finalement une foule incroyante qui va refuser de suivre Jésus dans la foi. Elle préfère voir en lui un futur roi puissant qui la délivrera de l’occupation romaine et de tous les maux de cette terre. Mais Jésus refuse le projet de libération politique où ses contemporains voudraient l’entraîner.

Au bord du triomphe et du succès, il reste seul en songeant à cet autre rôle qu’il veut jouer… Demain il essaiera de faire comprendre à ces mêmes foules qu’il est le « pain vivant descendu du ciel « et invitera  ceux qui l’écoutent à manger de ce pain c’est-à-dire à croire en lui…il n’est pas seulement celui qui multiplie les pains et nourrit miraculeusement la foule, il est lui-même le pain vivant la nouvelle manne céleste, qui, par sa parole, nourrit, relève et guérit le peuple dans toutes ses détresses et ses traversées du désert. Le Christ est notre pain de joie dans toutes nos craintes et nos alarmes, Il est notre part d’espérance dans nos raisons d’abdiquer ou de désespérer. Il est notre pain de vie, là où l’humanité s’entre déchire, se voue à la mort.

De nouveau, en ce XVII dimanche du Temps Ordinaire, Jésus pain de vie nous invite à sa table où il nous partage son corps et son sang. Des millions de chrétiens dans le monde, comme nous, vivent l’Eucharistie, cet incroyable repas du Seigneur : le mystère de la foi ! Nous sommes tous devenus membres du corps du Christ, tel que le dit  Paul dans la première épître aux corinthiens : » puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain « . Comment ne pas être gagnés alors par la générosité infinie de Celui qui nous donne tout en se donnant lui-même ? Après avoir communié, on ne peut pas vivre que pour soi !

Sr Maria-Fabiola Velasquez