Mt 3, 13-17

S’imposent à mon esprit ces paroles, alors que je médite sur la fête de ce jour : le baptême de Jésus : « Si je n’avais pas été baptisée, je n’aurais pas été agressée, brisée, anéantie. » Pardonnez-moi de commencer bien durement ce commentaire. Mais c’est là le réel, dans cette déchirante plainte d’une personne victime du prêtre qui l’avait baptisée, ami de la famille. Je repense aussi à cette autre me disant il y a quelques jours « ce jour-là, Dieu m’a été volé, j’ai été dé-créé, ramenée au chaos. »

Alors je lis et relis ce passage de l’Évangile et tente de scruter, désespérément, comment la Maison – l’Église – bâtie pour offrir le salut, ce salut offert « sans acception de personne » nous disent les Actes dans la lecture du jour, est venue semer la mort. Comment au lieu d’ouvrir à la vie en Dieu c’est au néant, à l’empêchement d’être qu’elle a conduit ces femmes et ces hommes, victimes de ces hommes considérés comme « hommes de Dieu » baptisant, célébrant l’eucharistie et le pardon…

Quand il s’approche de Jean, Jésus renonce par avance à tout pouvoir. Ce premier geste public de l’abaissement, être baptisé d’un baptême de pénitence et de conversion dont il n’a nul besoin à titre personnel, inaugure toute sa vie faite à hauteur d’homme, en bas. Ce Dieu-là est loin de nos catégories naturelles, comme de celles de Jean, décontenancé et qui doit quitter ses schémas. Sa contestation de la façon de faire de Jésus n’est pas sans rappeler celle de Pierre lors du lavement des pieds (Jean 13, 6) « toi Seigneur me laver les pieds ? Jamais ». Pierre comme jean le Baptiste résiste à l’abaissement du maître.

Jésus s’enfonce dans les eaux du Jourdain, Il se glisse au 2e jour de la création, quand Dieu instaura un firmament au milieu des eaux afin qu’il sépare les eaux des eaux. « Et Dieu fit la voûte et il sépara les eaux qui sont au-dessus du firmament des eaux qui sont au-dessous de firmaments. (Gn 1, 6-8) Dieu sépara. Et c’est bien là le drame dans tant de récits d’abus : l’agresseur n’a rien séparé, mais au contraire  à dessein, a tout confondu, tout intriqué, faisant de l’enfant sa chose, sa proie. Il n’a rien séparé non plus de lui et du dieu qu’il prétend servir. Ce faisant alors le maître absolu. Un anti-Christ qui abaisse l’autre au lieu de lui-même. Jésus, lui, descend, préfigurant sa descente aux enfers, afin de les ouvrir et que personne n’y soit condamné, scellé. Forts de leur statut considéré trop souvent comme à part,  de leur aura, des hommes ont fait descendre des enfants, des adultes en vulnérabilité dans des enfers, dans le shéol, les abandonnant dans ces terres inhospitalières, désolées.

Jésus, lui, par son baptême raconte que désormais terre et ciel se mêlent comme l’homme et Dieu se rencontrent. Notre Dieu n’est plus dans le ciel, mais là où l’homme demeure, aime, souffre, fait le bien, désire la vérité. Là où il accueille humblement son Dieu et relève le faible. L’endroit du monde est là. Le Christ inscrit le nom du Père au creux de la chair humiliée et martyrisée, « filles et fils bien aimés ».

Sr Véronique Margron

 

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