Espérer ? Pèlerins d’espérance, projet de ce jubilé 2025 à Rome et dans l’Église entière.

Mais comment espérer au milieu des tragédies de ce monde ? de ses soubresauts ? de ses abominations ? de son incertitude chaque jour plus grande et inquiétante ?

Comment espérer ? Je ne sais pas, à vrai dire, mais en tout cas c’est bien maintenant qu’il convient de combattre en faveur de l’espérance. Car il n’y a de chemin, je crois, pour l’espérance, sans la conscience vive, blessée, douloureuse, de la réalité en sa nuit. Sans ce consentement difficile à ce que nous sommes, chacune, à ce qu’est notre Église comme ce monde. Consentement à la grande vulnérabilité, à la perte des illusions et des sentiments de puissance.

Là, commence l’espérance de Dieu. Celle qui espère, tout court ; sans objet particulier. Sa vocation est d’espérer. Espérer comme un analogue, un synonyme d’être simplement vivant. Vivant, parce que quelqu’un est là qui se fait le compagnon intégral de nos existences, partout et en tous lieux de nous-mêmes. Jusqu’à se tenir là où nous-mêmes ne pouvons aller. « Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas », révèle le starets Silouane à son disciple. Sans doute est-ce notre Dieu qui est en ce non-lieu de l’enfer, et ne désespère pas.

Espérer est l’antidote non à la désespérance, mais à la résignation. Alors oui le combat de l’espérance et celui pour la justice, le respect, la considération, sont-ils enchevêtrés, tissés de concert.

Ainsi l’espérance nous transforme. Jour après nuit. Dans l’élémentaire qui ouvre au souci d’autrui, à sa rencontre simple, à la bienveillance et l’attention envers lui.

L’avenir de Dieu dans sa présence au monde est à ce prix. Et ce prix est à nos mesures.

Ce temps de carême nous invite sans doute à nous soutenir dans cette marche vers l’espérance qui est celle-là même de Dieu, à écouter ensemble des êtres d’espérance, du fond de la douleur de leur peuple ou de leur vie. Voici ce qu’écrivait une femme palestinienne dont la famille est à Gaza, à la communauté de Taizé, haut lieu d’espérance : « L’amour qui porte les blessés, les fragiles, donne à nouveau de la force. Cela me fait penser au paralytique dans l’Évangile, porté par ses amis et par leur foi. La prière est aussi une manière de résister, pour moi c’est important. Mais je suis humaine : après l’annonce de l’assassinat de deux membres de ma famille, la colère m’a submergé, j’ai crié, j’ai pleuré… Reprenant mes esprits, je savais que Dieu était là, dans la souffrance et le désespoir, et qu’il nous portait. » De passage à Taizé, elle disait aux frères : « Chaque matin, je prie pour trouver la force d’aimer plutôt que de haïr ».

Quand son pays était dévasté par la guerre, que ses habitants étaient menacés d’exil et qu’il était lui-même en prison, le prophète Jérémie a investi dans l’avenir : il a acheté un champ, tant il était sûr que Dieu n’abandonnerait pas son peuple (Jérémie 32, 6-15).

À notre tour, achetons un champ. À chacune de découvrir en son âme quel est-il ; aujourd’hui.
Et à le partager avec d’autres.

Véronique Margron