Dès le premier chapitre de son évangile, Marc place Jésus au centre de tout. Des pécheurs se sont mis à le suivre, un rassemblement s’est produit dans la maison de Simon, comme si la synagogue elle-même s’était mise en route vers Jésus, un voilà cette fois un lépreux, interdit de contact avec quiconque, qui vient à Jésus tout près de lui et le met aux pieds du mur :

« Si tu le veux, tu peux me purifier ».

Jésus est un aimant qui attire à lui tous les hommes. Voyant cet homme, isolé du fait de sa maladie, confiné dans sa peau malade, Jésus est bouleversé, remué jusqu’au tréfonds de ses entrailles, et contre toute logique et toute recommandation hygiéniste et cultuelle, touche l’homme impur, et affirme sa volonté de le voir retourner à la vie ordinaire :

« Je le veux, sois purifié ».

C’est le ventre de Dieu lui-même qui est bouleversé quand Jésus l’est. L’initiative du lépreux, placée dès le début de l’évangile de Marc est comme une alerte : n’est-ce pas le lépreux qui apprend en quelque sorte à Jésus qu’il est appelé à porter toute malédiction et toute impureté ?

Les recommandations de Jésus, « ne rien dire », « aller voir le prêtre », et « être un témoignage » sont aléatoirement réalisées par l’ex-lépreux qui loin de se taire proclame (du grec kèrussô qui donnera « kérygme », la proclamation de la foi) et répand la nouvelle.

L’étonnant de l’histoire vient de ce qu’à la fin de notre texte, c’est Jésus lui-même qui ne peut plus rentrer dans les villes. Le voilà qui a pris la place du lépreux tandis que l’homme, guéri, est réintégré dans la cité des hommes.

 

« Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle,
de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville,
mais restait à l’écart, dans des endroits déserts.

Le geste thaumaturgique de Jésus est ici explicite : il prend sur lui la malédiction de la maladie pour délivrer le malade de cette malédiction. Non qu’il devienne lépreux, mais il est hors les murs désormais, comme l’était le lépreux. Il prend sur lui toute malédiction, celle de la mort, celle de la faute et celle de la maladie. Désormais, nous pouvons croire que ni la maladie, ni la faute, ni la mort ne sont des malédictions, jamais.

L’heure n’est pourtant pas encore venue de l’accomplissement total de ce geste thaumaturgique.

« De partout cependant on venait à lui. »

Sur la croix, on le laissera seul.

Alors, seulement, nous pourrons croire qu’il rejoint ceux qui ont été abandonnés de tous, laissés seuls y compris à l’heure de la torture et de la mort.

L’amour livré jusque-là ne meurt pas avec la mort.

Alors, il ne sera plus temps de se taire, et nous pourrons proclamer ce que Jésus le Christ a fait pour nous.

 

Sr Anne Lécu

Anne lecu