Jean-Louis Georgelin

Vendredi 18 août, le général d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République et président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, est décédé dans un accident de montagne.

Le général d’armée Jean-Louis Georgelin a trouvé la mort lors d’une randonnée en montagne le vendredi 18 août au soir, dans l’Ariège. Représentant spécial du président de la République et président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, il avait été régulièrement interviewé par la rédaction de Paris Notre-Dame, témoin, durant ces échanges, de son enthousiasme et de son engagement total pour la conduite de ce chantier hors-norme. Sous les voûtes de la cathédrale – dont il soulignait toujours la beauté et la majesté – ou aux quatre coins de la France chez les différents artisans, où se livre aussi la bataille de la reconstruction – tailleurs de pierre, charpentiers, bûcherons, etc. –, il galvanisait les foules de visiteurs privilégiés ou de journalistes attentifs en confessant, de sa voix tonitruante, son émotion – essuyant parfois même une larme – à chaque étape du chantier :

« Quand je vois l’enthousiasme et la fierté des compagnons, je ressens une émotion profonde. La France entière œuvre à la restauration de la cathédrale », nous confiait-il en avril 2022 [PND n°1905]. C’est que le général livrait une drôle de bataille, la dernière de sa carrière, celle de réparer l’outrage de l’incendie qui priva, en avril 2019, les Parisiens – et le monde – de Notre-Dame, et de rendre la cathédrale au culte dans le délai très serré de cinq ans. Un défi qu’il s’apprêtait à relever, comme l’a rappelé Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur de Notre-Dame : « À la tête de l’établissement public, il a avec ténacité, conviction, amour de la cathédrale et de l’Église, conduit ses équipes pour que Notre-Dame ouvre fin 2024 ». De la renaissance de Notre-Dame, le général Georgelin en aura vu le « printemps ». Après les deux premières années – rudes – de « sauvetage » de l’édifice, il pouvait enfin savourer les premiers fruits « visibles » de cette reconstruction : la pierre nettoyée, la nouvelle luminosité de l’édifice, les fresques restaurées, les voûtes fermées, la charpente montée à blanc, le montage du tabouret de la flèche, le dévoilement du mobilier liturgique, etc. C’est d’ailleurs à cette occasion que nous l’avions croisé dans les couloirs de la maison diocésaine, à l’occasion d’une dernière interview, où il avait de nouveau souligné « la place centrale de Notre-Dame dans l’histoire de ce pays ».

« La France et l’Église perdent aujourd’hui l’un de leurs plus dévoués serviteurs et nous sommes, tous, dans une grande peine », a confié Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, au lendemain du décès du général Georgelin, ajoutant : « Il avait accepté cette tâche comme une mission de service de la Nation et de l’Église et y était très attaché. Il en avait un souci de tous les instants que j’ai perçu tout au long de ces mois. Je sais combien tous ceux qui, à Paris, en France et dans le monde, sont attachés à notre cathédrale lui doivent. » Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), s’est également exprimé : « Il se réjouissait, en homme et en chrétien, de contribuer à rendre à nouveau accessible à la prière et à la célébration au bénéfice de tous cette cathédrale ». Un hommage national lui sera rendu ce vendredi 25 août, avec une messe de funérailles, présidée par Mgr Laurent Ulrich, à 9h à St-Louis-des-Invalides (7e), puis une cérémonie d’hommage à 11h, dans la cour des Invalides. Les obsèques seront célébrées le 31 août, dans son village natal d’Aspet (Haute-Garonne).

Par Charlotte Reynaud

Déclaration de Mgr Laurent Ulrich

Déclaration de Mgr Laurent Ulrich à la suite du décès du général d’armée Jean-Louis Georgelin

La France et l’Église perdent aujourd’hui l’un de leurs plus dévoués serviteurs et nous sommes, tous, dans une grande peine.

Depuis mon arrivée à Paris, j’ai eu la joie et le privilège de travailler de près avec le général Georgelin à la restauration de Notre-Dame, dans laquelle il s’est investi avec courage, ténacité et talent, au cours de ces quatre dernières années : il avait accepté cette tâche comme une mission de service de la Nation et de l’Église et y était très attaché. Il en avait un souci de tous les instants que j’ai perçu tout au long de ces mois. Je sais combien tous ceux qui, à Paris, en France et dans le monde, sont attachés à notre cathédrale lui doivent.

Je prie le Seigneur, en qui il mettait sa confiance, de l’accueillir dans la lumière de Son visage. Qu’Il accorde la paix et le réconfort à sa famille, ses collaborateurs et tous ceux qui, tout au long de sa vie inlassablement dédiée au service de notre pays, l’ont connu et aimé.

En attendant de connaître la date de ses obsèques, nous pourrons nous unir par la prière à la messe dominicale de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui sera célébrée demain dimanche à 11h30 à l’intention du général Georgelin.

Mgr Laurent Ulrich
19 août 2023

Homélie de Mgr Laurent Ulrich

Messe de funérailles du Général d’Armée Jean-Louis Georgelin en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides(7e)

« Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ; si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes. »

Je n’ai pas de mal à imaginer que le Général Georgelin ait pu méditer ce verset du psaume 126, il était familier de la lecture régulière de l’Écriture, et nous en parlions quelquefois. Il ne m’appartient pas de porter un quelconque jugement sur sa carrière militaire et sur les grandes responsabilités qui lui ont été confiées au long des années. Je sais toutefois ce que l’on dit de de lui, comme un très grand serviteur de notre Nation et de l’État.

Cependant, ce verset que nous avons entendu psalmodier il y a quelques instants coïncide étonnamment avec les deux phases de sa vie qu’il nous est donné de regarder en ce jour.

Il a été un gardien vigilant dans les différentes charges qu’il a remplies. Il aimait à répéter, je l’ai souvent entendu le dire : un militaire prend les moyens d’assurer sa compétence pour tenir le poste qui lui est assigné. Cela s’entend de toute responsabilité à exercer, et j’ai pu en juger au cours de ces quinze mois écoulés à son contact. Il ne cessait de chercher à apprendre : il lisait beaucoup, il faisait chercher les moindres archives qui pouvaient enrichir sa connaissance de Notre-Dame, il interrogeait tous les corps de métier qui interviennent sur ce chantier, il écoutait volontiers les nombreux collaborateurs – il se plaisait d’ailleurs à dire qu’ils étaient un millier à travailler pour Notre-Dame actuellement –, il se déplaçait partout où les entreprises préparaient dans leurs ateliers ce qu’elles viendraient installer dans la cathédrale au moment attendu. Il faisait visiter cet immense chantier avec goût et autorité à de nombreuses personnes concernées par ce travail immense ; il le connaissait avec précision, de haut en bas, d’est en ouest et du nord au sud, il connaissait les ouvriers, les compagnons, les chefs d’entreprises. Il saluait tout le monde avec grande attention, et chacun lui en témoignait reconnaissance et respect. C’est l’art d’un vrai chef compétent, proche et reconnu. Le verbe haut et coloré, le panache ne cachaient pas chez lui des lacunes ou des insuffisances comme cela peut arriver à quelque médiocre ambitieux, mais signalaient la très haute estime dans laquelle il tenait les responsabilités immenses qui lui ont été confiées.

C’est ainsi qu’il était dans son rôle de gardien de cette cathédrale qu’il aimait, où toutes ses qualités ont trouvé à s’épanouir au maximum, de façon certainement inattendue pour lui bien après la fin de sa carrière militaire. Il avait mis toutes ses forces physiques, toutes ses capacités intellectuelles et tout son engagement spirituel à servir, à servir au mieux, à servir fidèlement. Et il tenait les objectifs qui lui avaient été fixés, il était en train de tenir celui du calendrier imposé des cinq années pour, comme il le disait avec une verve mémorable, remettre à l’archevêque sa cathédrale afin que le culte catholique reprenne en s’accompagnant de l’accueil des millions de visiteurs.

Il se comportait comme un gardien scrupuleux de cet objectif, un gardien avisé de cette maison faite pour rassembler des peuples divers, un gardien zélé de cette demeure de Dieu dont il se trouvait provisoirement détenir les clés.

Mais l’image du bâtisseur également se révèle adaptée : il n’était certes ni ingénieur ni architecte et il se gardait de paraître tel. Mais déjà on le voyait en bâtisseur d’une indispensable communauté de travail. Surtout, il méditait l’autre partie de chacune de ces deux phrases : « Si le Seigneur ne bâtit, si le Seigneur ne garde, c’est en vain que l’on construit, c’est en vain que l’on garde ! »

Il n’a jamais fait mystère de sa foi et de sa pratique catholiques, même si les hautes fonctions publiques qu’il a exercées lui imposaient la réserve requise dans notre République. En réalité, c’est sa foi elle-même qui lui recommandait de ne pas se prendre pour un modèle : il avait conscience, conscience qui s’impose à tout croyant, de ses fragilités, de son indignité devant Dieu qui ne cesse de nous appeler, de nous relever. Il savait que tout le travail qui se fait peut être compromis ou retardé pour de multiples raisons que nous n’avons même pas besoin de décrire. Il savait que, toujours, c’est le Seigneur qui remet sur le chemin, qui rattrape, qui veille sur l’œuvre accomplie, qui bâtit et rend solide une vie. Il savait qu’il faut lutter souvent contre les obstacles et ceux qui les disposent plus ou moins volontairement, mais qu’il faut lutter davantage encore contre soi-même. Ne jamais se croire arrivé, ne jamais s’estimer impeccable, ne jamais désespérer, renouer les relations distendues, pardonner comme nous sommes pardonnés, redonner courage à ceux qui doutent ! Et il me disait : c’est tous les jours, c’est chaque semaine qu’il faut repartir, c’est épuisant. C’est un souci de tous les instants. C’est probablement la mission la plus belle que j’aie jamais exercée, mais aussi la plus rude, la plus difficile, c’est la prière qui me permet de tenir.

N’avait-il pas lu aussi, et médité, ce passage de la première lettre de saint Jean : « Si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses » ? Il nous est bon d’avoir entendu ces mots il y a quelques minutes, nous qui pourrions quelquefois nous laisser aller à une sorte d’autosuffisance pourtant capable aussi de doute et de procrastination. Ses missions, il les recevait de l’autorité humaine qui les lui avait données ; mais il les exerçait sous le regard de Celui qui donne la vie, la croissance et l’être. Il était un homme d’autorité, mais pour fédérer les énergies ; il était un homme d’autorité, mais sous le regard de Dieu qui est le premier à nous donner vie et à nous faire confiance.

Ce n’est pas nous qui jugeons définitivement un homme. Mais au terme d’une vie, nous pouvons présenter à Dieu l’un de nos frères qui a été, selon notre appréciation, un bon et fidèle serviteur. Il a été de ceux qui ont beaucoup reçu et qui ont beaucoup donné. Il ne s’est pas réservé les qualités, les talents qu’il avait reçus. Il ne s’est pas contenté de les comptabiliser pour lui-même, de les exploiter pour son propre bénéfice ; il les a développés en vue du bien du plus grand nombre, en vue du bien de notre peuple, en vue du bien de l’Église et des fidèles, en vue du bien de tous ceux et toutes celles qui pourront bientôt découvrir ou redécouvrir la vraie richesse, le vrai trésor de la foi que contient la cathédrale Notre-Dame de Paris

C’est dans cette grande procession de l’humanité qui cherche Dieu au cœur du monde comme dans une immense cathédrale, que nous remettons la vie du Général Jean-Louis Georgelin au Seigneur avec notre prière humble et confiante.

+ Laurent Ulrich, Archevêque de Paris

Hommage national à Jean-Louis Georgelin, le « général de la cathédrale » Notre-Dame

« Adieu, mon général. » Emmanuel Macron a rendu un vibrant hommage au général Jean-Louis Georgelin, en charge du chantier de reconstruction Notre-Dame, ce vendredi 25 août 2023, dans la cour des Invalides. L’ancien chef d’État-major des armées est décédé à 74 ans, samedi 19 août, après avoir fait une chute lors d’une randonnée dans les Pyrénées ariégeoises.

Le Président de la République a salué la mémoire du « général de la cathédrale », soulignant à plusieurs reprises sa « force », sa « foi » et sa « volonté » ainsi que son « caractère exceptionnel ». Il a aussi loué « son dévouement pour des causes plus grandes que lui », comme la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

La Nouvelle République
25 août 2023