QUELQUES MOTS SUR LA FONDATION ET L’ÉVOLUTION DE LA MISSION DE LA COMMUNAUTÉ DES SŒURS DE LA CHARITÉ DOMINICAINES DE LA PRÉSENTATION, À ROQUETAS DE MAR (ALMERÍA) – ESPAGNE –
Quelques semaines avant que la présence de la communauté ne cesse d’exister en tant que telle dans cette localité, il est bon de passer rapidement en revue ce qu’a été sa mission au cours de ces années, à travers ses différentes étapes, et son rayonnement, bien que discret, au sein de la congrégation.
Première étape
Roquetas, qui comptait environ 60 000 habitants, seuls 8 enfants avaient terminé leur cycle scolaire de base en 1972… La moitié de la population était dispersée dans les champs, où l’on pratiquait la culture maraîchère sous serre. Il s’agissait d’une agriculture intensive. Cela avait provoqué l’immigration de familles provenant des provinces voisines d’Andalousie.
C’étaient les années qui suivaient immédiatement le Concile Vatican II. L’Église, en pleine rénovation, s’est sentie appelée à répondre pastoralement à cette nouvelle réalité humaine – une population dispersée sur un vaste territoire – qui, entrant dans la « prospérité », marchait « comme des brebis sans berger »…
L’appel de l’Église locale à répondre à cette réalité est parvenu jusqu’à notre Congrégation. C’est ainsi que nos trois premières sœurs sont arrivées là-bas :
- sans mission spécifique,
- sans logement (car celui qui était prévu, un quartier de 200 logements, était déjà construit mais inhabitable en raison de difficultés administratives et autres) ;
- sans travail rémunéré, afin de ne pas être à la charge ni de l’Église ni de la Congrégation.
Fin de la 1ère étape
Quelques années plus tard, au début de 1975, une fois surmontées les incertitudes liées aux situations évoquées, la Congrégation a pu établir une deuxième communauté dans une commune située à seulement 6 km de Roquetas.
Il a fallu compter sur certains membres de la première communauté, mais la Congrégation a progressivement fourni suffisamment de sœurs pour que les deux communautés puissent s’établir avec le même objectif, la même mission.
À côté de la deuxième communauté, La Mojonera, les agriculteurs étaient moins dispersés car le ministère de l’Agriculture avait prévu et construit à proximité deux villages, Solanillo et San Agustín, qui se sont peu à peu peuplés à cette époque.
Les sœurs de Roquetas pouvaient alors déjà s’installer dans le quartier « Las 200′ Viviendas », comme l’avait prévu l’Église locale. Les déplacements étaient incessants :
- la Mission se trouvait dans la campagne, à quelques kilomètres du village.
- La Mission de la communauté s’est organisée, dans cette vaste campagne, en trois points indiqués par le curé. L’un de ces points, qui regroupait un certain nombre de voisins, disposait déjà d’une église et d’un curé différent de celui du village, en raison de la distance.
- Le travail rémunéré nous obligeait alors à nous rendre à 20 km de chez nous, à El Ejido, dans l’enseignement secondaire public, dont Roquetas était alors dépourvu.
Fin de la deuxième étape
– La phase suivante est la plus longue, tant en termes de durée (jusqu’aux environs de l’an 2000) que de changements sociaux qui sont apparus au début de la démocratie en Espagne. Cela s’est traduit par la multiplication des services et des engagements pastoraux et sociaux de la communauté. Celle-ci s’est également un peu agrandie.
– Une sœur a terminé ses études d’infirmière. Elle a trouvé un emploi à Roquetas même, ce qui l’a mise en contact avec différentes situations dans le village. Elle a dû se battre pour que les patients bénéficient des soins de santé de la Sécurité sociale, en toute justice, avec tous les droits à la gratuité que cette institution publique leur accordait.
– Une autre sœur était impliquée, comme ouvrière agricole, dans le travail agricole, auprès des premiers destinataires de notre mission, les agriculteurs des champs de Roquetas.
– Une autre sœur a travaillé comme femme de chambre dans l’un des premiers grands hôtels, qui annonçait déjà le début d’un autre secteur d’activité à Roquetas : le tourisme intense qui commençait à se développer. L’inquiétude sociale de la sœur et sa solidarité avec la situation professionnelle de ses collègues lui ont valu un procès… et l’expulsion de ce camp de travail…
– Pendant ce temps, une sœur de la communauté a travaillé depuis les débuts difficiles jusqu’à sa retraite dans une association laïque alors créée dans la région pour les enfants et les jeunes souffrant de divers handicaps physiques. La sœur y a travaillé comme éducatrice… Le siège de l’association se trouve à San Agustín.
– Plus tard, les ravages de la drogue parmi les jeunes du quartier ont provoqué un nouvel appel pour la communauté.
L’engagement envers les toxicomanes a conduit certaines sœurs de la communauté à travailler pendant plusieurs années à plein temps ou à un rythme hebdomadaire dans des institutions spécialisées installées dans la région, ce qui leur a imposé des déplacements réguliers.
– La société imposait de nouvelles exigences à l’Église : à partir de Caritas, de nouveaux engagements ont été pris pour répondre aux problèmes des personnes âgées : mini-résidences, associations pour faire face aux nouvelles réalités, avec la collaboration active de la communauté.
Au cours de cette longue période, le travail pastoral commencé avec les agriculteurs des hameaux, pour lequel nous avions été appelées au départ, s’est poursuivi et intensifié. Pendant quelques années, pendant les deux mois les plus chauds de l’été, des étudiants universitaires, conseillés par les jésuites, venaient de l’extérieur et nous aidaient dans notre travail de promotion humaine. Au total, il s’agissait de groupes de 30 jeunes, divisés en deux groupes de 15 par mois. La communauté les accueillait, les guidait et les accompagnait pendant deux mois. Cette expérience était enrichissante pour les deux parties : les travailleurs agricoles et les étudiants…
Dans deux des hameaux où nous avons posé nos valises au début, de petits locaux ont été construits pour nous permettre de nous réunir. La construction de ces locaux s’est faite en étroite collaboration entre les voisins bénéficiaires et la communauté. Cela a favorisé la formation progressive de groupes chrétiens de jeunes et d’adultes qui organisaient diverses activités, des conférences, des sorties, participaient à des mouvements diocésains… Ensemble, en formant des associations, ils ont obtenu des améliorations notables : l’eau dans les maisons, une cabine téléphonique…
C’est là même que l’Eucharistie était parfois célébrée. Même l’évêque a présidé certaines célébrations !
Dès le début, les paroisses ont également participé activement aux groupes chrétiens existants et d’autres ont été créés : Vida Ascendente, Réflexion et prière autour de Marie Poussepin, Renouveau charismatique… sans jamais abandonner la formation et l’animation liturgique lors des célébrations paroissiales.
– C’est ainsi que, au sein de cette communauté toujours prête à répondre à l’appel, deux réponses personnelles à la mission « ad extra » ont également vu le jour : l’Algérie et le Nicaragua.
Et ainsi, nous arrivons à la dernière étape :
En 1987, une nouveauté brutale est apparue avec l’arrivée des premiers subsahariens, comme travailleurs immigrés dans la région, puis de nombreux autres, originaires des pays d’Afrique du Nord, musulmans.
La communauté a participé activement à la création de la première structure locale d’accueil de ce nouveau groupe : « Almería Acoge », car cette vague migratoire s’est très rapidement étendue.
1. Roquetas a continué à prospérer, sa population a doublé, la scolarisation a atteint des niveaux normaux et le secteur du bâtiment a absorbé le surplus de nouveaux habitants… Mais les problèmes se sont également multipliés, comme partout ailleurs :
la crise est arrivée, avec son lot de nouveaux problèmes.
Les membres de la Communauté se sont libérés de leurs obligations professionnelles, en raison de leur âge… De nouvelles perspectives s’ouvraient donc pour répondre à de nouvelles urgences…
En 2008
La Province acquiert une maison, dans le même quartier des 200 logements, à côté des appartements.
Après une longue réflexion sur les services qui pourraient être offerts à la population dans ce nouvel espace, la communauté a décidé de la transformer en maison d’accueil pour les personnes vivant dans la rue… sans domicile, sans possibilité de travail, ni de moyens, en raison de leur situation administrative et principalement de leurs graves problèmes de santé.
C’est ainsi que cette nouvelle mission a débuté au début de l’année 2009. Les premiers bénéficiaires : quelques hommes connus, qui avaient déjà été aidés par Caritas dans leur situation de SDF… D’autres se sont succédé dans la maison, chacun avec ses addictions… Les débuts ont été très difficiles pour la communauté ! Des problèmes personnels ou d’autres raisons font que certains de ces hommes prennent parfois un autre chemin… D’autres sont décédés au cours de ces longues années. La capacité de la Maison est limitée, avec seulement 6 lits, mais l’assistance est complète, y compris les démarches administratives (la plupart sont toujours des étrangers…), les visites et l’accompagnement médical, les soins pharmaceutiques, etc.
Conclusion
L’empreinte du Saint-Esprit au Vatican II et la simplicité de l’esprit missionnaire de Marie Poussepin, sont les phares qui ont éclairé les pas de la longue marche de la communauté là-bas, depuis 1972 . MERCI, SEIGNEUR.
Soeur María José Postogo