Celui qui est un scandale, une occasion de chute,
pour un seul de ces petits qui croient en moi,
mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou
une de ces meules que tournent les ânes,
et qu’on le jette à la mer.
(Marc 9)

 

Ce dimanche la parole de Jésus au chapitre 9 de Marc est brutale, et il faut l’entendre à la hauteur de cette brutalité : qu’est-ce donc que cette façon d’être qui scandalise les petits, au point qu’il vaudrait mieux être noyé ? Qu’est-ce que « scandaliser » pour Jésus ?

Le verbe grec scandalizein est traduit par le frère David d’En Calcat : « Celui qui bloquera un seul de ces petits qui croit en moi… ». « Si c’est ta main qui te bloque, coupe-la », « Si c’est ton pied qui te bloque, coupe-le ».

Il peut donc nous arriver de bloquer les autres, de bloquer la vie, de l’empêcher de se déployer. C’est d’autant plus grave que celui qui est ainsi bloqué est un « petit », qu’il est sans défense, pauvre en ressource, dépouillé de sa capacité de répondre, impuissant.

Il est de multiples manières de bloquer la vie, et les autres lectures de ce dimanche l’illustrent : en considérant que l’Esprit de Seigneur ne peut pas se déplacer là où il veut, en confinant la parole dans la bouche des « sachants » ; en voulant contrôler la puissance de Dieu, l’arraisonner, la mettre sous cloche ; en n’écoutant pas les petits, les pauvres, les femmes, dans l’Église ou dans la société.

Le livre de l’Exode se moque de ceux qui sont jaloux de Dieu. Et Jacques dans son épitre, reprend avec vigueur les riches, qui bloquent la vie des pauvres : « Vous avez condamné le pauvre et l’avez tué, sans qu’il n’oppose de résistance ». Voilà une manière bien commune de bloquer la vie d’autrui. Les exemples pleuvent pour qui veut le voir : comment partageons-nous les vaccins avec les pays plus pauvres afin de protéger la vie d’autrui ? Mourir du Covid dans un pays pauvres faute de vaccin, mourir de la tuberculose ou du sida faute de traitement, n’est-ce pas un véritable motif de scandale ? Nous nous focalisons beaucoup sur les questions de morale dans la vie privée ou la sphère familiale, mais il y a une dimension structurelle du péché dans laquelle, nous pays riches, sommes pris ensemble : nos richesses ne sont-elles pas pourries quand elles ne sont pas utilisées pour d’autres, avec eux, afin de remettre en route des vies bloquées ?

En ces jours, nous allons devoir recevoir le rapport de la Ciase, le recevoir et l’entendre, entendre la plainte des milliers de personnes dont la vie a été bloquée par d’autres, des clercs, des religieux et religieuses, il n’est pas vain de méditer cet évangile et de supplier le Christ qu’l nous délivre de nos aveuglements et convertisse notre cœur, car lui-seul peut transformer des cœurs de pierre et cœurs de chair.

Sr Anne Lécu

Anne lecu