Un roi. Tant de peuples, tous les peuples peut-être, désirent un roi d’une manière ou d’une autre. Y compris quand ils en ont déjà un.

C’est bien ce que demande Israël quand il dit à Samuel (1 Sa 8) vouloir un roi « comme en ont toutes les nations ». Autrement dit un roi qui domine, qui fait et sait faire le roi.

Avec Hérode le Grand nous sommes servis. Voilà un homme cruel, tyran, mégalomane, paranoïaque, qui n’hésite pas à faire périr plusieurs de ses fils afin que personne ne puisse menacer son pouvoir. C’est à tous, juifs et non-juifs qu’il donne des ordres et chacun répond car il a total pouvoir de vie et de mort.

De quoi s’agit-il aujourd’hui pour ce roi tout puissant autant que seul : de nouvelle conquête ? de complot à déjouer ? Non, juste d’un enfant nouveau-né. Face au roi, un enfant, qualifié par les mages de « roi des juifs ».

Pouvoir de vie et de mort versus totale vulnérabilité et passivité d’un bébé seul avec des parents sans armées.

Des mages, des astronomes savants, héritier d’une science vieille comme les étoiles, ont entendu parler de cette étrange et pourtant si ordinaire naissance et veulent saluer respectueusement cette nouvelle venue à l’existence des hommes. Matthieu ne dit pas combien ils sont, plusieurs en tout cas. Contrairement à Hérode qui règne seul, obsédé du complot et de son omnipuissance. Eux, ils discutent entre eux ; sans doute ont-ils cherché ensemble les signes pour venir ainsi jusqu’à Jérusalem, croyant y trouver ce nouveau-né d’un nouveau monde. Ils ont cherché dans les profondeurs du ciel, là où chacun de nous scrute le sens de son existence. Où chacun se souvient de ceux qu’il a aimés et demeurent mystérieusement avec lui dans l’absence. Où se portent tous les pourquoi de nos vies et les pourquoi de tant et tant de malheurs en cette terre. Avec les mages, il y a une foultitude de visages, d’humanité ; une densité de questions et de quête. Avec Hérode, juste lui-même et son avidité, les poings bien fermés sur son règne.

Les mages, que la tradition populaire nommera rois, sont inscrits dans une histoire d’avant eux et plus loin qu’eux-mêmes ; et ils veulent adorer un autre roi avec des présents. Magnifique. Des rois de sagesse, de modestie, sans cohorte pour les défendre et qui s’adressent à Hérode, le Grand, sans avoir de cadeaux à offrir, à lui. Rien. Ironie du récit.

Appelés en secret, scribes et grands prêtres sont interrogés sur le lieu de la naissance. En secret, terrible marque du complot, de la terreur, du mensonge, Hérode qui perfidement annonce vouloir « s’agenouiller » quand tout son entourage connaît le sort de cet enfant si par malheur il le retrouve. L’avenir lui donnera douloureusement raison, dans le massacre des enfants de moins de deux ans. (Mt 2, 16) Des massacres, comme ceux d’autres enfants aujourd’hui ; pour maintenir la folie du pouvoir.

Voilà donc nos amis étrangers et voyageurs partis pour le village de Bethléem, en Judée, où leur bonne étoile indique le lieu précis de la naissance, la maison où dort l’enfant, protégé par ses parents. Depuis le premier jour de leur voyage, ces mages ont une bonne étoile, qui ne les trompe pas. Ils se protestent devant l’infinie précarité de cet enfant sans protection et offrent tous leurs présents, marque de la vraie royauté qu’ils reconnaissent à ce petit d’homme. Ils sont les premiers témoins de la manifestation de notre Dieu fait chair, d’un roi dans un enfant. Les suivront un lépreux (Mt 8), un chef religieux qui vient de voir mourir sa fille (9), les disciples après la marche sur les eaux (14), une Cananéenne (15), des femmes à l’aube de Pâques (28). Peuple de souffrants et d’espérants. Bonne et belle compagnie pour ces étrangers du loin de la terre. Pour le Dieu de chair et d’esprit venu aimer les humbles et les ordinaires.

Mais voilà l’heure de repartir. Ces savants ont des familles à retrouver, des recherches à poursuivre. Surtout, Jésus n’est pas venu pour être adoré. Mais pour se lier et signifier un Dieu de la vie pour tous et chacun. Un songe leur indique de prendre un autre chemin. Un songe – et non un stratagème pour désobéir à Hérode. Ironie encore. Un songe, comme pour notre père Jacob (Gn 28) qui sait alors que le Seigneur le gardera partout où il ira. Comme Joseph qui prendra Marie avec lui.

L’épiphanie, la manifestation : si ce dimanche, c’était une étoile : quelle est notre bonne étoile ? Celle qui nous éclaire pour un pas plus assuré dans la marche de l’existence, une marche toujours incertaine, sans tracé préétabli. L’Évangile de l’enfant est cette étoile, qui ne trompe pas et mène au jour.

Sr Véronique Margron

 

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L’adoration des mages de Fra Angelico et de Fra Pilippo Lippi ( 1440 – 1460)
National Gallery of Art, Londres

 

 

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