«J’ai eu peur. Je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, prends ce qui est à toi »


Je me souviens très bien du jour, où, à la catéchèse du mardi soir, les jeunes de l’IMPro avaient insisté pour que je vienne voir leur exposition de travaux avant les vacances de Noël.

C’était le vendredi de la même semaine et, cet après-midi-là, j’ai circulé entre les tables où étaient exposés,  là des potées de fleurs et plantes pour orner la table de Noël, ici des mocassins de daim et étuis de  téléphone en cuir, plus loin d’alléchantes pâtisseries etc …

Ils m’attendaient mi-anxieux, mi-ravis et scrutaient mon visage pour y lire l’approbation qu’ils espéraient.

Ce que je n’ai pas oublié ce sont les questions qu’ils me posaient :

« Dis, sœur Chantal, pour nous ce n’est pas mal ? »

« Ce napperon c’est moi qui l’ai brodé, tu le trouves comment ? »

« Est-ce que ça te plait, ce n’est pas moche ? »

Chers jeunes, tant de travail, de patience, d’efforts déployés pour que vos réalisations soient à la mesure de votre espoir méritaient l’acquiescement sincère de personnes qui comptaient à vos yeux et allaient vous autoriser à croire en vous !

Car les talents ne peuvent s’épanouir que lorsque l’on croit en soi, au moins un peu ! Et en la bienveillance de l’autre qui sache observer avec le cœur.

Dans la parabole, le 3ème serviteur enterre son talent, par prudence. Il fait un travail de fossoyeur. C’est un gardien de cimetière. En fait c’est un talent déjà mort qu’il enfouit … Ce mauvais serviteur ne croit ni en lui ni en son maître qu’il juge comme un homme dur.

Vous, chers jeunes, au lieu d’enterrer vos talents quelquefois modestes, vous mettez une belle ardeur à les déterrer, à les extirper à les arracher, enfouis qu’ils sont  souvent sous les scories de la moquerie, de l’indifférence ou de remarques blessantes.

A vos questions, je répondais par l’affirmation, sans complaisance, que votre travail était beau et, pour preuve, j’achetais quelques articles tandis que vous me regardiez avec reconnaissance, soudain grandis dans votre stature, emballant l’objet avec soin et gravité.

Chers jeunes, à vous aussi sont confiés des talents selon vos capacités : des mains souvent intelligentes, les  qualités de cœur dont vous êtes pourvus, humilité, ténacité, courage, espérance … mais elles sont invisibles à ceux pour qui seules comptent les apparences.

Le maître confie un ou plusieurs talents, à chacun selon ses capacités, pour que personne ne soit écrasé sous un poids trop lourd.

C’est un don et non une dette à rembourser.

Chacun fructifie à sa mesure. Mais si la mesure est pleine, quelle que soit sa taille, alors tout est accompli.

On peut se poser la question suivante : si le serviteur paresseux avait cherché à faire valoir son talent  et avait échoué, que ce serait-il passé ?

La réponse se trouve dans la parabole du fils prodigue.

Le fils cadet a tout dilapidé mais le père, qui n’est qu’amour, l’attend jour après jour, se jette à son cou et le restaure dans sa dignité de fils.

Le fils aîné n’a pas fait fructifié ses talents. Il n’a rien compris :  « Mon enfant tout ce qui est à moi est à toi ! »

Un cœur confiant se réjouit de servir.

Un cœur confiant se repend de n’avoir pas servi.

Un cœur paralysé par la peur ne produit rien : «  Je savais que tu es un homme dur ».

La peur  est le contraire de la foi.

Le fait de se savoir inconditionnellement aimé chasse la peur et conduit à utiliser son talent pour le faire fructifier.

Le maître ne garde rien pour lui. Il risque tout, Il confie tous ses biens.

Il fait le choix de la confiance, totale et définitive.

Le maître encourage le risque dynamique, créateur, fructificateur des dons accordés gratuitement.

Il attend la même attitude en retour.

« Chacun reçoit de Dieu ce qu’il en attend » disait sainte Thérèse de Lisieux.

Ceci est vrai pour chacun de nous :

Que fais-je de mon talent ?

Quel est le rêve de Dieu pour moi ?

Comment être pour lui un sujet de joie ?

Sœur Françoise-Chantal Lelimouzin