Cet article vient nous rappeler le contenu des conférences qui nous ont été données lors des journées provinciales de mai et juin 2022.

Intervenante : Mme Brigitte Midon

Formée en sciences politiques, en psychologie du travail et en théologie, Brigitte Midon a une longue expérience professionnelle puisée dans le champ des ressources humaines et de la formation. Elle exerce dans le cadre de son cabinet à Versailles.

Praticienne de l’accompagnement personnalisé dans une approche globale de la personne, elle accompagne des passages depuis plus de vingt ans. Des passages professionnels dans le coaching de transition en vue de reconversions ajustées, des passages de vie dans l’accompagnement de familles en deuil, des passages pastoraux dans l’accompagnement des laïcs envoyés en pastorale dans le diocèse de Versailles. Par ailleurs, elle accompagne les liturgies par le chant en tant que chef de chœur ; elle a été appelée à se former à l’accompagnement spirituel ignacien.

Elle fait partie du Groupe de Fontenelle basé à l’abbaye de Saint Wandrille : ce groupe pluridisciplinaire de recherche anthropologique croise les regards spirituels, psychologiques et professionnels pour exprimer une vision chrétienne de l’homme d’aujourd’hui. Ce groupe propose des formations pour des accompagnateurs spirituels, des thérapeutes et des coachs.

Mûrie depuis une dizaine années, son écriture spirituelle et poétique sort à la lumière aujourd’hui.
Ses textes simples et chantants dégagent une spiritualité de la joie et de l’espérance, petites bulles de vie reçues dans le ‘souffle de la brise légère’. Ils expriment une légèreté née d’un instant de grâce, la rudesse des méandres de la vie ou un émerveillement au contact de la nature en beauté.

Avec son mari, ils ont quatre enfants et dix petits-enfants. C’est donc tout naturellement qu’elle écrit aussi des histoires pour enfants où se mêlent le conte et la poésie pour les aider à grandir et à franchir des caps dans la confiance.

Madame Midon ne nous a pas communiqué son intervention.

De manière plus générale

Introduction

Dans une Tribune de la Croix du 7 avril dernier autour de Présidence et autorité, Mgr Didier Berthet, évêque de Saint-Dié écrivait : « L’actualité de l’Église rappelle qu’il est funeste de considérer une mission comme l’exercice d’un pouvoir ». « À sa manière et dans son domaine propre, l’Église connaît bien le principe d’autorité. Car c’est l’autorité, et non le pouvoir, qui est au fondement de la mission du Christ qui se poursuit dans celle de son Corps. L’actualité difficile de notre Église nous rappelle combien il est funeste de considérer une mission ou un ministère comme l’exercice d’un pouvoir. Bien plus qu’une organisation fonctionnelle, l’Église est un corps symbolique et sacramentel, et c’est pourquoi l’autorité y est première et essentielle… au service de la communion ».

L’autorité s’associe à de nombreux verbes : avoir de l’autorité, être autoritaire, exercer son autorité, manquer d’autorité ou en abuser, faire figure d’autorité, faire autorité ou représenter l’autorité…

Étymologie : Autorité : auctoritas (auteur) : augure : faire grandir Passer de FONCTION d’autorité À RELATION d’autorité

Deux types de relation :

– Une relation d’autorité : la relation maître élève, dans laquelle le maître a pour but de détruire l’inégalité en se faisant égaler, voire dépasser par l’élève, qui est une fin en soi.

– Une relation de pouvoir : la relation maître esclave, situation inégalitaire dans laquelle le maître n’a pour but que de maintenir son pouvoir sur « sa chose » et l’inégalité. Il y trouve bénéfice. Avec un large éventail qui va du pouvoir bien compris et pratiqué dans un juste cadre, et le désir insatiable de domination pour soumettre à sa volonté propre et appétit d’un toujours plus, toujours plus souvent.

Parallèle symbolique avec Usus, fructus, abusus ( qu’on trouve dans le droit de l’immobilier) Si l’usus renvoie à la faculté d’user d’une chose, le fructus désigne quant à lui le droit de disposer des fruits d’une chose, de tirer profit du bien que l’on possède. Quant à l’abusus, il signifie « utilisation jusqu’à épuisement » ou « consommation complète »

ABUSUS : ABUS

Un abus est un mauvais usage, un usage excessif, injuste ou pernicieux de quelque chose. Synonymes : excès, exagération, outrance (éventail : d’un abus de médicament, à un abus de pouvoir). Mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose. Injuste au sens aussi de mal ajusté, qui sort du cadre normal, légal, moral, ou du cadre posé par des constitutions. L’abus est le fait d’outrepasser certains droits, d’aller au-delà d’une norme, d’une règle : dans le registre du « cela dépasse les bornes, tu abuses ! »

L’abus de pouvoir, ou abus d’autorité, est une infraction commise par des membres d’une autorité ou d’une administration qui abusent de leur pouvoir, notamment pour se procurer un avantage ou nuire à autrui.

Faire une différence entre abus INSTITUTIONNELS – structurels ou fonctionnels – et abus DOMESTIQUES. Le harcèlement y prend une grande part, consciemment ou pas, ou les vexations, les critiques, les humiliations par des « jeux » installés au quotidien, qui peuvent se révéler maltraitants y compris sous couvert de bien, sans oublier le culte du silence : on se tait!

LES ABUS DU QUOTIDIEN dans une vie communautaire

Écueils

– Du bon usage de « il faut », et « tu dois » qui peuvent aller du rappel d’un juste cadre à une injonction menaçante

– Émettre des jugements moralisateurs sur l’autre plutôt que sur les actes. Ex : il est fainéant, elle est autoritaire…

– Le risque des comparaisons : comparaison = poison ! – Fuir ou refuser ses responsabilités dont celle de refuser de prendre conscience que nous sommes responsables de nos pensées, de nos sentiments et de nos actes

– Communiquer trop vite, trop près, trop loin

o de manière trop injonctive ou interprétative selon mon cadre de référence

o sous forme d’exigence mal ajustée ou de reproche infondé Le MOBILE est le même :

La jalousie de ce que l’autre possède, est, pense ou fait avec un effet miroir sur mes réussite ou mes échecs, sur mes joies ou mes souffrances, mes désirs ou mes manques, que je peux affronter supporter, dépasser ou pas.

La comparaison comme un poison insidieux qui vient rôder dans les relations, saper la volonté charitable, et installer des jeux relationnels conscients ou pas dans lesquels nous retirons des bénéfices directs ou secondaires.

o Dans lesquels il s’agit de préserver ce que j’ai, ce que je pense…

o Ou de gagner une zone d’influence ou de pouvoir.

o Avoir plus pour me sentir être plus. La RACINE: – toute-puissance – et/ou identifications mal positionnées. – Une moindre résistance à la frustration

Le type de relation que l’on construit dans les premiers mois de notre vie avec les différentes figures d’autorité va fortement marquer la représentation que l’on se fait de l’autorité et du pouvoir et donc notre relation au pouvoir et à l’autorité.

INDICES ET ÉCLAIRAGES DANS MA RESPONSABILITÉ

  1. La frustration : un élément nécessaire pour grandir
  • Comme dans l’éducation, la frustration dans la relation d’autorité est nécessaire. Si vous ne demandez rien, vous n’aurez rien.
  • Avoir une exigence fait vivre à l’autre de la frustration
  • L’exercice de l’autorité s’inscrit dans une relation. Chacun doit pouvoir dire ce qu’il veut
  • Aider quelqu’un c’est le rendre autonome et non tout lui apporter. (ex : pour les sœurs, laisser faire même si lenteur)
  1. prendre conscience de ses postures dans la relation : Parent / Adulte / Enfant
  1. Devenir homme ou femme pas un acquis de naissance, c’est un processus qui nécessite un long travail sur soi. C’est par une certaine qualité de relation avec les autres, leur écoute, leur accueil, que nous existons vraiment. La fragilité est quelque part une clé relationnelle.
  1. Comprendre et accepter les différences de fonctionnement
  1. Traverser ses émotions et anxiétés : les miennes et celles des autres. Sans prêter à l’autre ses propres peurs.
  1. Et pour avancer : ÉCOUTER/S’ÉCOUTER, clé pour avancer et se transformer dans nos quatre axes anthropologiques : Je, l’autre, le monde et Dieu
    Écouter soi-même : « Aime ton prochain comme toi-même » ; l’autre : « Que puis-je faire pour toi ? » ; le monde : « Seigneur, fais que je voie » ; Dieu : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute» S’écouter mutuellement dans la relation : lieu de conversion ; lieu de fraternité ; lieu de transformation
    Comment ? Avec bienveillance et respect ; dans un accueil inconditionnel ; dans la juste distance et connecté au réel
    ÉCOUTER ET CONNAITRE pour avancer dans L’ALTÉRITÉ
    relation réciproque qui nous altère (change, transforme, modifie) grâce à la relation avec l’autre. Nous sommes mutuellement altérés, transformés par l’autre.
  1. Nous sommes aussi responsables de nos attitudes abusives : là commence les jeux de pouvoir via la parole, la communication verbale ou non verbale

Figure transférentielle

Vous êtes revêtus d’un vêtement d’autorité qui donne à voir : cette image renvoyée vers l’extérieur vous expose à la solitude, à être surface de projections, donc à ‘prendre des coups’ par une agressivité qui pourrait vous surprendre.

En effet, sur la figure d’autorité va se jouer le phénomène de

transfert à votre égard

– ou de contre-transfert de votre part (et inversement)

CE QUI PEUT ADVENIR AU CŒUR de toute relation et particulièrement dans une RELATION d’autorité

– sont indissociables

Ce processus réciproque peut générer une réactivation de mon histoire : deuils pas faits, accompagnement-pansement de mes blessures personnelles, identification à mon frère, ma sœur, ou régler des comptes avec la vie…

CE QUI PEUT ADVENIR AU CŒUR de toute relation et particulièrement dans une RELATION D’AUTORITÉ

Les figures parentales rôdent toujours et bien des réactions s’adressent à ces fantômes.

Des situations d’enfance mal résolues à l’égard de l’autorité ou du pouvoir se réactivent : admiration excessive, besoin de protection et dépendance, passivité ou agressivité, critiques, besoin de s’affirmer, de transgresser, de régresser… modèle conscient ou non de toute puissance. Il est important de ne pas entrer dans le télescopage de ces images, même si certaines de mes sœurs sont dans cette confusion et bien distinguer votre personne de votre fonction.

RETENIR qu’en devenant responsable, détenteur(trice) d’autorité, je deviens une surface de projection.

Être attentif aux réactions et mouvements intérieurs qui m’agitent,

et les partager en supervision ou en co-vision.

La violence est une ligne rouge qui rend l’autre objet, elle passe par l’autoritarisme, l’infantilisation, la mise en dépendance ; la mauvaise foi ; l’hypocrisie et ses masques ; la manipulation intentionnelle qui peut aller jusqu’aux phénomènes d’emprise ; L’intrusion dans la zone de l’autre ; La mise à l’écart, l’humiliation, y compris les coups, etc….

POUR CONCLURE

Homélie France 2 :

« Le Bon Berger, nous le savons, c’est le Christ. C’est celui qui mène son troupeau, le conduit sur les chemins, le protège, veille sur lui jour et nuit. Pour son troupeau, le Bon Berger est prêt à donner sa vie. Le Bon Berger, c’est le chef, et le chef est un serviteur. « Je ne suis pas venu », dit le Christ, « pour être servi, mais pour servir. » Et nous, chrétiens, nous sommes à notre tour appelés à devenir des bergers… Notre vocation de chrétiens est de devenir des bergers. Nous sommes appelés à protéger, à secourir, à veiller sur toute humanité. Que notre troupeau soit grand ou petit ; qu’il soit une nation, une ville, une paroisse, une famille, et même une seule personne. Car on peut être le berger de son mari, de sa femme, d’un parent, d’un ami, de sa sœur….. Un berger sans violence, mais résolu ; un berger sans orgueil, un berger qui a accepté de rendre service par amour pour son troupeau. »

Jésus n’appelle pas pour être en état de soumission ou de toute puissance. Il nous appelle ses amis. Il nous appelle à être libres, pour vivre dans relations vraies, à tout le moins justes. Chacune selon son espèce bien sûr. Et ce, dans l’écoute, la délicatesse et la patience et l’obéissance.

BEAUCOUP PASSE PAR LA PAROLE.

Le 31 mars 2022 lors de leur visite de réconciliation au Vatican, Cassidy Caron, la présidente du ralliement national des Métis au Canada : « Un de mes aînés dit que les relations se construisent sur 100 tasses de thé. Nous avons bu BEAUCOUP DE THÉ cette semaine et nous avons construit des relations solides ».

PROPOSITION DE RÉFLEXION entre vous pour aller plus loin

Quelle est votre représentation d’une juste autorité ?

Illustrer avec deux situations réelles et vécues

o une qui la valide

o une inverse qui ne la valide pas

Jean 10, 14 : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent »

– Est-ce que je me laisse connaître par aimer mes sœurs ?

– Lever les indifférences quand des sœurs qui vivent ensemble depuis des années en fait ne connaissent pas ce qui fait vivre l’autre

– Est-ce que je me laisse connaître par mes sœurs,

– de mm que je me laisse connaître par le bon berger.

– Nous sommes BERGERS LES UNS DES AUTRES.