La croix est notre fierté
Ces derniers dimanches, la lettre aux Galates a accompagné la liturgie. Aujourd’hui nous recevons la finale de cette épître, son condensé. La Galatie est une région d’Anatolie, au nord est de l’Asie Mineure, aujourd’hui la Turquie. Galates vient d’un peuple celte – qui signifie Gaulois- qui y a migré dans l’Antiquité. Autrement dit, la communauté disciple de Jésus qui y vit est issue essentiellement de païens. Paul écrit vers 56, depuis Éphèse, après son 2e voyage dans cette région. Il s’agit de les conforter, de les réconforter dans leur foi naissante. De pouvoir affirmer qu’ils sont pleinement chrétiens par leur attachement personnel au Christ, par leur engagement faveur des pauvres, par le soin de la communauté. Pleinement chrétiens, sans devoir adopter des rites juifs, la circoncision en tête. C’est là le grand combat de Paul, « apôtre des païens », lui le Juif pieux et zélé. Je faisais des progrès dans le judaïsme, surpassant la plupart de ceux de mon âge et de ma race par mon zèle débordant pour les traditions de mes pères. (Ga 1, 13 s)
Ainsi n’est-ce pas la circoncision qui compte, ni aucun rite qui serait absolutisé, symptôme d’une loi qui tue, enferme en se prétendant le tout. Ce qui est premier et primordial c’est l’attachement au Christ, sauveur.
Là est la fierté de Paul. Non une fierté qui enfle et fait se regarder soi-même comme un pur. Tout le contraire. Car la fierté est dans la croix du Seigneur, pierre angulaire de la foi de Paul, de sa prédication, de sa passion. La croix – celle de Jésus et nulle autre- n’est pas signe de morbidité, de fascination pathologique de la souffrance et de la mort. Elle est le résultat d’un bouleversant travail théologique des communautés naissantes. Comment confesser que Jésus, fils de Dieu, béni du Père, est mort sur cet instrument de supplice, infamant, réservé à ceux qui ne sont pas citoyens romains, souvent les esclaves, les brigands ou les condamnés politiques. Comment oser dire qu’elle est une fierté ? Si les récits de la passion racontent longuement les faux procès de Jésus, ils demeurent très sobres sur son exécution. Aussi « contre-nature » que soit la mort en croix de Jésus, il est vital pour la foi de pouvoir l’interpréter comme un sommet du message de Jésus, ce qui raconte en un seul tableau le sens même de son inédite nouvelle et de qui est Dieu.
Deux fulgurances témoignent de la prodigieuse intelligence du croire de l’apôtre des nations et des communautés autour de lui.
Tout d’abord dans la lettre aux Philippiens avec son hymne en 2, 6 s « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition d’esclave, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » Confession bouleversante. La croix, marque au fer rouge de la condition d’esclave, celle du dernier, de l’homme sans reconnaissance et sans identité. Si le Christ l’épouse, alors oui, tous, qui que nous soyons, sommes embarqués avec lui dans sa vie et son don. Tous et chacun, singulièrement.
Dans notre lettre aux Galates, Paul va plus loin encore en associant la croix au signe de la malédiction de Dieu dans le Premier Testament. En effet quand un condamné était exécuté puis pendu à un arbre, était signifié qu’il devenait maudit de Dieu lui-même. « Quant à cette malédiction de la Loi, le Christ nous en a rachetés en devenant, pour nous, objet de malédiction, car il est écrit : Il est maudit, celui qui est pendu au bois du supplice » (3, 13). Confession qui est en écho direct avec la parole du Deutéronome (21, 22) « Lorsqu’un homme ayant commis une faute passible de mort a été condamné à mort et pendu à un arbre[…]un pendu est une malédiction pour Dieu ». Consentant à mourir sur le bois, alors qu’innocent des crimes dont il était accusé, Jésus prend sur lui toute malédiction. De malédiction il n’y a donc plus. Personne n’est condamné à être séparé de Dieu à jamais. Il n’y a pas de fatalité de l’histoire.
Bouleversant retournant grâce à la foi des premiers chrétiens, à leur labeur d’intelligence des Écritures. Oui la croix du Christ est notre fierté, en elle se témoigne la folle proximité de Dieu avec les plus humbles et le plus humble en nous, en elle est certifié que tout est sauvé, en tous les temps comme dans les tréfonds des replis de l’âme de chacun. Que la parole de bénédiction est pour tous. Dire du bien, vouloir du bien.
La croix est notre fierté, celle de la liberté d’accomplir le juste et le bon, de tout notre possible. D’avancer au grand vent de l’Esprit, quitte à porter en notre corps les marques de notre engagement en faveur des délaissés, en faveur du combat pour la reconnaissance contre tous les mépris.
Véronique Margron
Cet article est publié dans la revue « LA VIE ».
https://www.lavie.fr/ma-vie/spiritualite/meditation-biblique-la-croix-est-notre-fierte-100030.php
La cruz es nuestro orgullo
Estos últimos domingos, la carta a los Gálatas ha acompañado la liturgia. Hoy recibimos el final de esta epístola, su resumen.
Galacia es una región de Anatolia, al noreste de Asia Menor, hoy Turquía. « Gálatas » proviene de un pueblo celta —que significa « galos »— que emigró allí en la Antigüedad. Es decir, la comunidad de discípulos de Jesús que vive allí proviene esencialmente de paganos. Pablo escribe hacia el año 56, desde Éfeso, tras su segundo viaje a esta región. Se trata de fortalecerlos, de consolarlos en su fe naciente. De poder afirmar que son plenamente cristianos por su apego personal a Cristo, por su compromiso con los pobres, por el cuidado de la comunidad. Plenamente cristianos, sin tener que adoptar ritos judíos, especialmente la circuncisión. Este es el gran combate de Pablo, «apóstol de los gentiles», él, el judío piadoso y celoso. «Progresaba en el judaísmo, superando a la mayoría de los de mi edad y de mi nación por mi desmedido celo hacia las tradiciones de mis padres.» (Gál 1, 13 ss)
Por tanto, no es la circuncisión lo que cuenta, ni ningún rito que se absolutice, síntoma de una ley que mata, que encierra pretendiendo ser el todo. Lo que es primero y primordial es el apego a Cristo, el Salvador.
Ahí está el orgullo de Pablo. No un orgullo que infla y lleva a mirarse a uno mismo como puro. Todo lo contrario. Porque el orgullo está en la cruz del Señor, piedra angular de la fe de Pablo, de su predicación, de su pasión. La cruz —la de Jesús y ninguna otra— no es signo de morbosidad, ni de una fascinación patológica por el sufrimiento y la muerte. Es el resultado de un impresionante trabajo teológico de las comunidades nacientes.
¿Cómo confesar que Jesús, Hijo de Dios, bendecido por el Padre, murió en ese instrumento de suplicio, infame, reservado a quienes no eran ciudadanos romanos —a menudo esclavos, bandidos o condenados políticos—? ¿Cómo atreverse a decir que es un motivo de orgullo? Si los relatos de la Pasión relatan ampliamente los falsos juicios contra Jesús, permanecen muy sobrios respecto a su ejecución.
Por antinatural que parezca la muerte en cruz de Jesús, es vital para la fe poder interpretarla como la cima del mensaje de Jesús, lo que cuenta en una sola imagen el sentido mismo de su inaudita novedad y de quién es Dios.
Dos intuiciones fulgurantes dan testimonio de la prodigiosa inteligencia creyente del apóstol de los gentiles y de las comunidades que le rodean.
Primero, en la carta a los Filipenses con su himno (2, 6 ss): «Cristo Jesús, siendo de condición divina, no consideró el ser igual a Dios como algo a lo que aferrarse; al contrario, se despojó de sí mismo tomando la condición de siervo, haciéndose semejante a los hombres. Y, encontrado en su aspecto como hombre, se humilló a sí mismo, obedeciendo hasta la muerte, y muerte de cruz.»
Una confesión sobrecogedora. La cruz, marca a fuego de la condición de esclavo, la del último, del hombre sin reconocimiento ni identidad. Si Cristo la abraza, entonces sí, todos, sea cual sea nuestra condición, estamos embarcados con Él en su vida y en su entrega. Todos y cada uno, singularmente.
En nuestra carta a los Gálatas, Pablo va aún más lejos al asociar la cruz al signo de la maldición de Dios en el Primer Testamento. En efecto, cuando un condenado era ejecutado y colgado de un árbol, se significaba que se convertía en maldito por Dios mismo.«Cristo nos rescató de la maldición de la Ley, haciéndose por nosotros maldición, pues está escrito: “Maldito todo el que cuelga de un madero”» (Gál 3, 13).
Una confesión que es eco directo de las palabras del Deuteronomio (21, 22):«Si un hombre ha cometido un delito que merezca la muerte y es ejecutado y colgado de un árbol […] un colgado es una maldición de Dios.»
Consintiendo en morir en el madero, siendo inocente de los crímenes que se le imputaban, Jesús asume toda maldición. Por tanto, ya no hay más maldición. Nadie está condenado a estar separado de Dios para siempre. No existe una fatalidad de la historia.
Impresionante inversión gracias a la fe de los primeros cristianos, a su esfuerzo por comprender las Escrituras. Sí, la cruz de Cristo es nuestro orgullo; en ella se manifiesta la loca cercanía de Dios con los más humildes y con lo más humilde de nosotros mismos. En ella se certifica que todo está salvado, en todos los tiempos y en lo más profundo del alma de cada uno. Que la palabra de bendición es para todos. Hablar bien, desear el bien.
La cruz es nuestro orgullo, el de la libertad para hacer lo justo y lo bueno, con todas nuestras fuerzas. Avanzar al viento del Espíritu, aunque eso suponga llevar en nuestro cuerpo las marcas de nuestro compromiso a favor de los olvidados, a favor del combate por el reconocimiento frente a todo desprecio.
Véronique Margron
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