Peu avant le récit de la passion, Marc rapporte dans son évangile, la réponse de  Jésus à un scribe qui l’interroge : Quel est le premier de tous les commandements ? Jésus reprend alors ces paroles refrain de tout l’ancien testament : « Ecoute Israël »

« Ecoute Israël » Ecoute ! Laisse toi pénétrer, en profondeur, par tous les pores de ton être : tes oreilles, mais aussi ton cœur, ton affectivité, sensibilité, ta volonté ! Ton âme, cette fine pointe de ton être intérieur ! Ton esprit, intelligence, raison, sagesse ! Tes forces, physiques, intellectuelles, psychiques, morales dont tu sais aussi les limites ; alors, écoute aussi dans ta faiblesse, tes manques, tes besoins, tes désirs… Ecoute ! Laisse toi pénétrer, tu n’y es pas seul : Quelqu’un t’y attends, t’y précède au cœur des évènements : « Le Seigneur, ton Dieu est l’unique Seigneur »

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toute ta force ». Moïse dit au peuple tu craindras, tu observeras, puis tu aimeras. Injonctions légales, morales ? « Tu aimeras » ce futur ne serait-il pas reconnaissance de notre besoin de temps, à nous humains, pour apprendre à aimer vraiment ? de nos chemins de croissances ? Depuis ce regard aimant reçu d’un autre humain, jusqu’à la décision personnelle et responsable !  « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » Ce Seigneur, tu n’apprendras à l’aimer qu’en écoute, entrant en résonnance de toutes les fibres de ton être, comme Jésus avec Celui qu’il nomme son Père.

Regards, gestes, attitudes si attentivement notés par les évangélistes, nous révèlent comment Lui, Jésus  a aimé son Père en venant aimer concrètement chaque personne rencontrée : se faisant proche de ce qu’elle est, faisant exprimer ses désirs : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? », puis donnant sens aux signes accomplis – que l’on se nomme Pierre, Jean, Marie Madeleine, Zachée, Bartimée ou Judas, enjoignant  : « Va ! debout ! » « Tu aimeras », transformé par la rencontre.

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même », M’aimer moi-même ? Chemin de croissance aussi pour poser ce regard bienveillant sur mes limites, manques, déficiences, mon incomplétude ; ma condition humaine quoi ! Rendre grâce pour les dons, réussites, rencontres, mais  aussi les échecs qui creusent progressivement  en moi la bienveillance. « Tu aimeras » ; une promesse ? Tu aimeras ton prochain, au fur et à mesure où tu t’aimeras, tel que tu es, riche d’un amour infini,  du regard du Christ posé sur toi, limites et manques revisités ! Tout comme Jésus se vit sous le regard du Père.

Mais, il est évident qu’aimer le petit, le méprisé, faire passer l’homme avant la lettre de la loi, bouscule les tenants de l’organisation sociale, culturelle, religieuse basée sur des rites institués ! « Tu aimeras »… Lui aussi, Jésus chemine au cœur des circonstances : contestations, violences, jugements, condamnations ne se soustrayant à aucune de nos réactions : Nos supplications d’être épargné, nos pourquoi… nos violences ? Il va les transcender en les remettant au pardon du Père auquel il s’abandonne dans une expression mystérieuse : Lui, la parole, va perdre les mots, et dans un cri ultime…  assumer tous nos cris ? C’est jusque là que je vous ai aimés, habitant le temps, les lieux, les évènements de votre histoire.

Mais la vie a vaincu la mort. L’amour a vaincu la haine. Le Père et moi vous envoyons l’Esprit ; Le Défenseur, Consolateur, Hôte intérieur, Il vous enseignera, consolera, inspirera, accompagnera dans l’espace et le temps, vos lieux de vie, vos choix, les méandres de vos chemins. « Ecoute Israël : Le Seigneur ton Dieu, est l’Unique Seigneur »… A son écoute: « Tu aimeras », jusqu’au jour où « Tu lui seras semblable, car tu le verras tel qu’Il est »

Sr Jeanne-Marie Pagnoux