Le groupe du projet Agora au monastère de Poblet
Hna. Belkis Tatiana Arenas, Communauté de Bellafila, Barcelona, 04/02/2025.- Parfois, sans que nous l’ayons planifié, la vie nous offre des moments touchés par l’éternité. Ce sont des instants qui révèlent le visage de Dieu, caché dans la simplicité, dans l’opacité, dans l’humanité la plus pure.
Le week-end du 31 janvier au 2 février, sans l’avoir planifié à l’avance, la communauté de Bellafila a vécu deux expériences qui, en les regardant en perspective, s’entremêlent dans une même révélation : la présence de Dieu aux extrémités de la vie, chez les personnes âgées du projet Ágora (cours de formation et d’accompagnement pour les personnes âgées en situation d’isolement non désiré) et chez les jeunes de la résidence universitaire Reina de la Pau.
Avec l’abbé de Poblet et profitant de la visite du monastère
Vendredi après-midi, nous avons fait une excursion avec les grands-parents d’Ágora à Poblet, un monastère cistercien du XIIe siècle. Cela pourrait sembler être une simple promenade, un événement dans le cadre du projet, mais au cours de la journée, ces « désobéissances » qui transcendent tout programme se sont manifestées.
Nous avons passé du temps avec des personnes qui ont connu la solitude, en particulier après la pandémie, avec des veufs et des veuves dont la routine a été marquée par de lourds silences. Dans les petits détails, dans une question sur le nom, dans l’admiration pour leurs souvenirs, dans le partage d’histoires de vie, la rencontre s’est transformée en quelque chose de plus grand qu’une simple excursion. C’était une reconnaissance de la dignité de chaque personne, un rappel que le temps vécu n’est pas seulement une accumulation d’expériences, mais une invitation constante à être écoutés et valorisés.
Poblet nous a offert l’espace idéal, avec la visite du monastère, les explications, le salut de l’abbé et l’accueil à l’hôtellerie… et un merveilleux ciel étoilé que l’on ne voit pas à Barcelone. D’un autre côté, la résidence Reina de la Pau nous a montré une autre facette de la réalité. Ici vivent des étudiantes depuis le début de leurs études jusqu’à certaines qui terminent leur doctorat, beaucoup d’entre elles viennent de différents endroits du monde et sont éloignées de toute pratique religieuse, d’autres sont croyantes, mais ont des expériences différentes des nôtres. Au milieu de cette diversité, le 2 février dans l’après-midi, à peine arrivée de Poblet, j’ai assisté à la messe dans la cathédrale de Barcelone et j’ai rencontré deux d’entre elles assises sur un banc.
J’ai été surprise de les voir là. L’une d’elles, originaire du Japon, assistait pour la première fois à une célébration eucharistique, invitée par l’autre, catholique, qui participait depuis une tradition familiale des Philippines. Pendant cette messe d’une heure et demie, qui avait lieu le jour de la vie consacrée, j’ai vu se dérouler sous mes yeux une catéchèse spontanée, non pas basée sur des discours ou des leçons théologiques, mais sur l’expérience même du mystère de Dieu. J’ai vu que chaque symbole de l’Eucharistie était une question pour qui regardait attentivement chaque instant, ce n’était pas l’intérêt d’aller dans un musée et de voir un chef-d’œuvre, c’était un regard plein de respect, d’attention et de surprise pour le sacré.
Je me suis alors demandé combien de fois nous oublions que beaucoup de ceux qui nous entourent ne partagent pas notre foi et qu’ils sont pourtant en recherche, avec des questions silencieuses ou une curiosité latente. Parfois, nos paroles, longues et recherchées, peuvent éloigner plus qu’elles ne rapprochent. En revanche, les signes, les gestes, l’hospitalité simple peuvent être plus éloquents que n’importe quelle longue homélie.
Ces deux rencontres nous rappellent que nous évoluons entre deux extrêmes : la vieillesse, avec sa richesse d’expérience et sa vulnérabilité, et la jeunesse, avec son élan et son incertitude. La communauté de Bellafila se situe juste au milieu de ces deux réalités, les accompagnant, apprenant des deux.
Et dans cette mission, Dieu se laisse voir. Non pas dans les grands événements, mais dans le quotidien, dans le partage, dans les petits moments d’éternité qui nous préparent à la plénitude définitive. Car oui, il y a des choses qui valent la peine d’être vécues. Ce sont ces rencontres qui nous transforment, ces espaces où la vie se révèle dans sa vérité la plus profonde. Et c’est là que nous découvrons, sans aucun doute, le visage de Dieu.
Quelques jeunes femmes de la résidence au cours de l’année scolaire 2024-2025