Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.
Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.
Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »
Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ;
chacune contenait deux à trois mesures,
 (c’est-à-dire environ cent litres).
Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.
Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.
Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit :
« Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon.
Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée.
Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. (Jean 2, 1-13)

 

Le texte tel qu’il est lu ce dimanche, est mutilé, c’est pourquoi je l’ai remis dans la traduction liturgique ci-dessus en l’allongeant un peu. Il ne faut pas lire « en ce temps-là », mais « le troisième jour », ce qui est totalement différent.

Nous voilà donc au troisième jour. Et ce n’est pas rien. Autre indice, à la fin de notre texte, au verset 2, 13 : la Pâques est proche.

En fait, si on reprend l’évangile selon Jean depuis le début, il y est question d’un lendemain (verset 1,29), puis d’un autre lendemain (verset 1, 35), puis un troisième lendemain (verset 1,43), ce qui fait déjà quatre jours. Alors, le « troisième jour » du début des noces de Cana, après ces quatre jours, cela fait donc sept jours, et l’on pressent que dans ce petit texte du début de l’évangile selon Jean, quelque chose d’un accomplissement advient. Le septième jour, depuis la Genèse, est le jour eschatologique, le dernier jour, et peut-être bien le jour dans lequel nous sommes. Le lien avec la Genèse est d’ailleurs explicitement fait dans l’expression du verset 11 : « Tel fut le commencement (archè en grec) des signes que Jésus accomplit ».

Il y a des noces, mais on parle peu des mariés. En revanche, on dit beaucoup de choses sur les jarres, au nombre de six. Au contraire de chiffre sept, le « six » est l’inaccompli, la sixième heure, l’heure de la fatigue de Jésus au puits de la samaritaine et celle de sa mort, et le sixième jour, celui de la création de l’homme, est tendu vers son accomplissement à venir.

Et voilà que ces jarres, ces six jarres comme les six jours de la création sont emplies d’eau, comme d’habitude, mais cette eau n’est plus l’eau de la purification et du rite. Elles sont remplies à ras bord, car avec Jésus désormais – et c’est ce que sa mère savait intimement – tout se remplit de sens et se déploie : dans quelques chapitres, il le dira à la Samaritaine : il est la source de l’eau vive, et ici l’eau vive a le gout du meilleur vin. Le ritualisme n’a plus d’avenir, il et remplacé par le bon vin d’une liberté qui se fonde dans le don de Jésus pour les siens, inauguré dans cette scène, autre nom de l’Esprit.

Peut-être sommes-nous ces outres qui doivent accepter de quitter leur fonction rituelle pour devenir réserve de fête et de joie pour autrui ? Mais quel travail d’acceptation difficile !

Peut-être sommes-nous aussi les serviteurs, les plus actifs de ce passage, qui doivent emplir, puiser, porter, goûter le vin et le servir aux convives pour la joie de tous ?

Quant aux mariés absents ou presque, ne s’agit-il pas du Fils venu à la rencontre de son peuple, l’humanité de tous les âges et de tout lieu, une fois pour toutes, du Fils venu rassembler les siens et célébrer l’alliance déjà scellée depuis toujours mais cette fois accomplie en lui ?

Sr Anne Lécu

Anne lecu