Eucharistie d’action de grâce pour les 85 ans de présence au foyer familial

Mot d’accueil du 27 août 2023

Ce n’est pas sans émotion que ce soir nous vous retrouvons vous tous ici présents, venus parfois de loin pour nous dire au revoir.

Merci à vous Monseigneur qui le premier vous nous avez sollicitées pour organiser ce temps d’action de Grâce.
Merci Père Daubanes, recteur du sanctuaire d’avoir répondu à notre invitation.
Merci à Monseigneur Perrier que les sœurs ont connu à Chartres puis à Tarbes et à Lourdes.
Merci au Père Pierre Jamet, curé de notre Paroisse, au père Antoine Morillon, curé de Bagnères, aux Pères Capucins, aux moines de Tournay, qui nous rejoignent pour cette célébration.
Merci à Sr Véronique Margron notre provinciale, aux sœurs de Toulouse et de Paris.

Merci à vous, employés ou bénévoles qui avez travaillé avec nous 17 ans ou plus. Plusieurs années ou quelques mois de tout votre cœur vous avez partagé notre mission. Merci à vous pèlerins qui étiez là pour certains à l’ouverture du foyer ou jusqu’à la fermeture en septembre 2022, avec qui nous avons célébré des jubilés, des anniversaires ; accueillis pour un pèlerinage ou pour une halte spirituelle en famille ou seul.
Merci aux musiciens qui viennent nous soutenir dans notre prière.
Merci à vous paroissiens, amis de la communauté, voisins qui aujourd’hui voulez nous témoigner votre amitié.

Les sœurs, Dominicaines de la Présentation sont arrivées à lourdes le 5 juillet 1938, dans une maison qui était au paravent un hôtel « l’étoile du berger »

Très vite il faut aménager la maison pour accueillir d’abord les jeunes de nos institutions. Certaines sont revenues ces dernières années avec leurs petits enfants se souvenant encore des dortoirs. Au fil des circonstances et par nécessité les sœurs accueillent des personnes seules, âgées qui ne pouvaient pas rester l’hiver dans la montagne.

Lors de la guerre ce fut un lieu d’accueil pour de nombreux réfugiés en provenance de Hollande, de Belgique et du nord de la France. Après y avoir accueilli des enfants en provenance de régions envahies qui souffraient de carences alimentaires le foyer a repris sa fonction d’accueil. En 1955 pour le centenaire des apparitions il faut s’agrandir c’est la construction de la Chapelle et du bâtiment des jeunes 70 lits supplémentaires.

Depuis une communauté internationale a accueilli des pèlerins du monde entier, avec pour mission un service d’accueil, d’écoute et d’échange.au foyer mais aussi au sanctuaire où nous avions un engagement que nous n’avons pas pu honorer ces dernières saisons trop prises par le travail de la maison. Ces 7 dernières années ont été enrichies par la présence d’une sœur ayant une mission à Bagnères auprès des malades et à la prison de Tarbes comme aumônier.

Malgré notre bon vouloir pas de sœurs pour venir étoffer la communauté, difficulté à trouver des saisonniers, il faut accepter que l’activité cesse fin août 2022. D’abord pour des travaux du propriétaire : ravalement et quelques mises aux normes.

L’établissement ne sera pas vendu mais une association de Tarbes : « Atrium » poursuivra une activité sociale avec une auberge de jeunesse et un foyer d’hébergement pour saisonniers et jeunes travailleurs.

Aujourd’hui avec vous, nous rendons grâce au Seigneur pour toutes ces rencontres vécues qui ont aussi donné sens à notre vie religieuse. Nous portons dans notre prière tous les pèlerins qui au fil des années nous ont confié leurs intentions et se sont tournés vers Marie.

C’est dans cet élan que nous entrons dans la célébration.

Sr Monique Pelletier
Lourdes le 27 août 2023
Eucharistie d’action de grâce
pour les 85 ans de présence au foyer familial

Homélie de Mgr Jean-Marc Micas, évêque du diocèse de Tarbes et Lourdes Action de grâces pour les Sœurs Dominicaines de la Présentation

« Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? »

Chères sœurs,
Chers frères et sœurs,

La maison dans laquelle nous nous trouvons a accueilli tant et tant de personnes, en 85 ans, tant de familles, tant de pèlerins, tant de souffrances aussi, de confidences, de prières, d’espérances partagées… Tout ce qui fait la vie d’hommes et de femmes, bien croyants, souhaitant croire, ne pouvant pas ou plus croire, qui sait… ?

Les sœurs qui ont vécu ici ont servi le charisme de la Congrégation des Dominicaines de la Présentation, sœurs de Charité. Outre leur vie communautaire et leur consécration qui, en soi, témoignent de l’absolu de l’amour de Dieu, leur apostolat en a « remis une couche », si j’ose dire… Depuis l’annonce de la fermeture de la maison et de la présence de la communauté des sœurs à Lourdes, l’émotion est forte : discrète, humble, paisible, mais forte. Ici, si près de la gare où les trains déversent tant et tant de personnes de toutes sortes, le Foyer familial et celles qui en furent l’âme ont été un visage magnifique du Christ qui sauve. Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour remercier Dieu pour cela.

« Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? »

Que signifie mettre la foi en œuvre ? Bien sûr, on pense aux actes de charité qui traduisent concrètement, et authentifient, la foi et sa cohérence. Mais il y a plus, il y a beaucoup plus ! Abraham et Sara sont là pour nous le rappeler. Abraham est réputé être le 1er croyant au Dieu unique, le père de tous les croyants au Dieu unique. Il a entrainé Sara et quelques autres dans son aventure spirituelle, se mettant en route simplement parce que Dieu le lui demandait, lui promettant simplement de lui indiquer la route… plus tard, une fois qu’il serait parti. Et vous connaissez la suite : Abraham se mit en route, entrainant Sara et quelques autres avec lui, pour une aventure qui continue, qui continue ici même aujourd’hui.

Mettre la foi en œuvre signifie d’abord, et peut-être essentiellement, faire confiance à Dieu qui appelle et qui envoie, qui demande des choses étranges, en promet d’autres plus étranges encore. Mettre la foi en œuvre, c’est croire au-delà de ce que la raison peut saisir et valider. Mettre la foi en œuvre, c’est décider d’obéir à l’avance à ce que Dieu demande.

Abraham a la foi. Il s’est mis en route. Il reçoit la visite de Dieu et de ses envoyés. Il se précipite pour l’accueillir : « Abraham se hâta d’aller trouver Sara (…) Abraham courut au troupeau (…) un serviteur (…) se hâta de préparer le veau gras et tendre… » Ce niveau-là de mise en œuvre de la foi révèle le niveau plus essentiel encore de l’amour que donne la foi, de l’amour de Dieu que révèle la foi, de l’amour infini qui envahit le cœur des croyants.

Les sœurs qui ont œuvré dans cette maison pendant 85 ans ont été un visage de cette foi mise en œuvre. Les sœurs qui quittent aujourd’hui cette maison sont invitées à être un visage plus radical encore de cette foi mise en œuvre : celui de la confiance qui va jusqu’au bout, celui de la consécration qui va jusqu’au bout, celui de la foi qui traverse toutes les nuits humaines, qui se moque de l’inconnu, de l’inconfort de la route à reprendre sans cesse, des tentes à démonter, de nouvelles pâtures à trouver. Merci, bien chères sœurs, d’être pour nous ce visage-là de la foi, encore et encore. Contenu en germe dans la profession des conseils évangéliques prononcée il y a de cela… quelques temps (!), ce qui se passe aujourd’hui n’est que le prolongement de ce qui s’est engagé alors. Il est pour nous tous signe de notre pèlerinage sur terre, de ce nomadisme que Dieu aime pour ceux qui le suivent. Nous sommes citoyens du ciel, dit saint Paul.

L’oublier est prendre le risque de ces fameuses mondanités qui enlisent le cœur. Mettre la foi en œuvre, c’est être enfants d’Abraham, jusqu’au bout de la vie, dans nos vocations, personnelles et communautaires. C’est vrai pour chacun de nous. C’est vrai pour nos structures ecclésiales : communautés, congrégations, diocèses, Église tout entière.

Alors oui, bien chères sœurs, merci pour la foi mise en œuvre dans l’accueil vécu ici avec tant de charité pendant toutes ces années. Et merci encore pour la mise en œuvre de la foi qui remet toujours en route. Vous avez aimé Lourdes et Lourdes vous a aimées. Et bien le ciel accueille et bénit cet amour partagé et multiplié.

Avec vous nous prions pour vous, pour chacune de vous, nous prions pour votre Institut et ses responsables, nous prions pour les pèlerins de Lourdes et pour la vie qui continue, nous prions pour que l’œuvre de Dieu soit accomplie toujours plus, toujours mieux, en fidélité absolue, autant que possible, à ce que l’Esprit Saint met dans le cœur des croyants.

« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Que le Seigneur nous donne d’être toutes et tous assez petits pour voir la vie qui grandit, la vie éternelle qui se répand dans le monde, la vie que rien n’arrête se multiplier toujours et partout.

Merci à vous ; merci à Dieu ; qu’il vous bénisse en abondance !

Amen ***************

85 ans d’histoire, au moins une centaine de sœurs ont vécu dans cette Maison, l’ont aimé, se sont données sans compter à la mission, à l’accueil intégral des personnes accueillies, des pèlerins, des plus modestes. Elles ont aimé servir et vivre à Lourdes, auprès de Bernadette, de son message, auprès de la Vierge, dans la suite du Christ, au service de l’Église. De grandes et belles pages.

Quitter Lourdes, quitter cette mission si proche de la passion pour l’humain en sa vulnérabilité comme en ses aspirations les plus hautes, est un crève-cœur pour chaque sœur aujourd’hui. Pour celles, ici présentes ou non, qui ont partagé cette mission. Pour la Province qui s’est engagée autant qu’elle a pu à soutenir la communauté et ses engagements. Pour la congrégation puisque nombre des sœurs qui ont vécu ici sont ou étaient d’autres continents, spécialement l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie. Pour vous tous ici présents et toutes celles et ceux qui ont travaillé auprès des sœurs et avec elles en pleine confiance, vous donnant vous aussi sans compter.

Mais il est des heures où il faut trancher. Là est bien le privilège douloureux et nécessaire de qui est en responsabilité.

Trancher avant tout en faveur des personnes, car il est injuste de laisser sa santé par faute de personnels ou sous le poids des difficultés matérielles, comme sr Monique l’a indiqué dans son mot d’accueil. Et ce malgré tout le soutien des amis laïcs ici présents, salariés ou bénévoles. Il s’impose que chacune puisse continuer de vivre sans se tuer à la tâche, partager ses talents pour la vie, pour la fraternité, pour l’Évangile.

En pensant à ce soir m’est revenu un épisode auquel je pense bien souvent : la rencontre avec une sœur du Bon Pasteur, une femme merveilleuse d’humanité, de culture, d’affection. Sur son lit d’hôpital, alors qu’un cancer allait l’emporter quelques jours plus tard elle m’avait dit : « Véronique je t’en supplie, fais toi de beaux souvenirs ! » je n’ai jamais oublié ce testament.

Il n’y a pas de bons moments pour fermer une communauté, pour quitter une mission. On peut toujours se dire que c’est trop tôt. Je ne sais. Mais ce qui compte je crois, c’est bien que vous, mes sœurs qui vivez dans cette Maison, chacune de celle qui s’y est investie, tous ceux que vous avez accueillis avec tant d’affection et de disponibilité puissent se dire qu’il a eu le temps de se faire de bons et beaux souvenirs. Alors un immense merci, Monique, Marie Lucie, Maria Isabel, Élisabeth, mais encore Françoise Marie et Maria Esperanza qui êtes là ce soir, un immense merci de toute la province et de la congrégation, de moi-même, pour ce que vous avez partagé de plus précieux : vous-même, votre amour pour les gens, votre don au Dieu vivant.

Monique tu vas donc rejoindre la communauté de Toulouse et avec elle porter aussi un nouveau projet spécialement en faveur des femmes en danger et précaires. Mais avant tout tu vas prendre enfin soin de toi !

Marie Lucie tu as rejoint notre Maison Mère à Tours où je sais les sœurs heureuses de te compter désormais parmi elles.

Maria Isabel tu vas rejoindre la communauté de Montauban où je te sais très attendue.

Et Élisabeth tu as souhaité demeurer encore une année de plus dans ce beau diocèse et conserver les missions que tu y exerces. Tu seras proche des frères de l’abbaye de Tournay que je remercie chaleureusement.

L’amitié, la prière et l’affection de toutes les sœurs et de tous les amis présents et absents vous entourent pour ces nouvelles étapes. Je mesure votre émotion à chacune et vous remercie aussi d’avoir pu consentir à cet arrachement. Dans la foi nous savons qu’il portera ses fruits.

Véronique Margron op.
Prieure provinciale de France
Lourdes ce 27 août 2023.