« Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez dans l’allégresse, vous tous qui la pleuriez ». Quel peut bien être le mobile de cette joie qu’annonce le prophète Isaïe ? C’est sans doute que Dieu console Jérusalem et la comble de sa paix après la dure épreuve de l’exil. La première lecture montre ainsi la grande tendresse de Dieu et sa volonté de restaurer l’image de Jérusalem défigurée par la souffrance. Elle pourra dès lors retrouver sa splendeur première et ses habitants seront installés dans la paix. Cette paix qui déborde comme un torrent, ce n’est pas seulement l’absence de conflits, c’est surtout la plénitude de la présence de Dieu, la gloire des nations converties au Seigneur et le lait consolateur dont il est question. Ce texte d’Isaïe est une prophétie qui n’est pas encore réalisée. Nous en comprenons qu’il s’agit de l’Église, notre mère qui nous enfante à travers le baptême et nous nourrit de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Elle nous annonce alors quelque chose de la Jérusalem céleste et c’est vers cette joie éternelle que nous marchons. Certes, nous en avons déjà un avant-goût sur cette terre, mais c’est dans la Jérusalem céleste qu’elle nous sera donnée en plénitude.

Cette « joie de l’Évangile » doit être annoncée à tous. Saint Luc nous raconte l’envoi des 72. Ce chiffre symbolise et préfigure l’universalité de la mission. C’est ce que Jésus veut signifier quand il affirme que « la moisson est abondante ». C’est une manière de dire que la Bonne Nouvelle doit être proclamée dans le monde entier. Elle est pour tous sans exception de religion et de région. Tous les hommes du monde entier doivent pouvoir entendre et accueillir cette bonne nouvelle. Voilà donc une vaste mission qui dépasse nos possibilités humaines. Cet Évangile définit ainsi trois engagements essentiels du missionnaire. Le premier, cher à St Luc, est celui de la prière. La fécondité de la mission n’est que le fruit du contact permanent avec le Maître (Cf. Jn15,5). Le deuxième est celui de l’annonce sereine, courageuse et pacifique : être « comme des agneaux au milieu des loups ». La mission ne consiste pas en une conquête militaire, mais plutôt à porter aux nations la paix de Dieu. Même en cas de persécution et de rejet, les disciples doivent rester fidèles à l’esprit de la mission. Le troisième est celui du détachement (pauvreté). Il faut se libérer de tout ce qui pourrait entraver la mission. Cependant, en envoyant les soixante-douze « dans toutes les villes et localités où lui-même devait se rendre », Jésus voudrait signifier que la mission n’est pas celle des disciples. Ils sont en effet ses instruments, et le principal travail c’est Lui qui le fait dans le cœur des hommes et des femmes. Bernadette de Lourdes disait en effet : « Je ne suis pas chargée de vous faire croire mais de vous dire ». Cette mission constitue un défi extraordinaire.

Aujourd’hui encore plus qu’autrefois, les chrétiens sont confrontés aux persécutions. Beaucoup sont assassinés simplement parce qu’ils annoncent l’Évangile aux hommes. Mais rien ne pourra arrêter la Parole de Dieu ni l’empêcher de produire du fruit. C’est précisément en voyant le courage des chrétiens persécutés que des hommes et des femmes se convertissent au Christ. Cette persécution, Saint Paul la met en évidence dans la deuxième lecture à travers son allusion à la croix. En effet, il indique qu’avec Jésus mort et ressuscité, le salut est offert à tous. Il n’est pas le résultat d’une accumulation de bonnes actions ou de mérites. C’est un don gratuit de Dieu. La seule fierté de Paul, c’est la croix du Christ : Elle est la clef qui introduit dans la création nouvelle ; elle nous arrache de tout ce qui peut nous éloigner de Dieu. Au jour de notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu.

Comme les 72, nous sommes envoyés aujourd’hui pour annoncer : « Le règne de Dieu s’est approché de vous ». Comme le Christ et comme les prophètes encore, nous serons confrontés au rejet ou à l’indifférence. Mais rien ne peut arrêter l’arrivée du règne de Dieu. Si nous rencontrons la méchanceté, nous triompherons du mal car nous sommes assurés que Dieu nous remplit de sa présence et de sa gloire et que rien ne doit nous séparer de son amour.

Sr Pascaline Bilgo